La pression montait jeudi sur une élue démocrate du Congrès américain, Ilhan Omar, déjà épinglée par le passé pour ses propos sur Israël et désormais critiquée par ses propres collègues pour avoir mis "sur un plan d'égalité" l'Etat hébreu, les Etats-Unis, le Hamas et les Talibans.
L'élue de la Chambre des représentants, ex-réfugiée d'origine somalienne et musulmane, dénonce elle des attaques "islamophobes" et défend ses déclarations, sorties selon elle de leur contexte: une audition parlementaire du chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
"Nous avons vu des atrocités impensables perpétrées par les Etats-Unis, le Hamas, Israël, l'Afghanistan et les Talibans", avait-elle tweeté lundi avec une vidéo de leur échange, lorsqu'elle l'interrogeait sur la Cour pénale internationale (CPI).
Fait rare, un groupe d'élus démocrates et de confession juive de la Chambre a publié un communiqué mercredi soir critiquant durement leur collègue, cible régulière de l'ire des républicains.
"Mettre sur un plan d'égalité les Etats-Unis et Israël avec le Hamas et les Talibans est aussi insultant qu'erroné", a écrit la douzaine de parlementaires.
Si les deux nations sont "imparfaites, méritant parfois les critiques", les "fausses équivalences couvrent les groupes terroristes" ont-ils mis en garde.
Signe que la polémique enfle, un autre élu démocrate, qui n'avait pas signé ce communiqué, John Garamendi, a estimé jeudi qu'Ilhan Omar devait "revenir" sur ses propos.
"Le problème, c'est que ce type de langage incite des violences ici aux Etats-Unis", a-t-il déclaré sur CNN.
Les actes antisémites avaient nettement augmenté en mai aux Etats-Unis, sur fond de conflit entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, selon l'Anti-Defamation League (ADL).
"Stéréotypes islamophobes"
Plus attendues, les critiques fusent également contre elle du côté des républicains, qui appellent les chefs démocrates à "agir" pour la sanctionner.
Certains pourraient réclamer un vote de censure ou pour l'évincer de son siège à la commission sur les Affaires étrangères, dès leur retour à la Chambre la semaine prochaine.
"Les remarques antisémites et anti-américaines d'(Ilhan) Omar sont abjectes", a tweeté le chef de la minorité démocrate à la Chambre, Kevin McCarthy.
Mme Omar, 38 ans, a elle dénoncé jeudi l'initiative "honteuse" de ses collègues, car ils ne l'ont pas, selon elle, contactée directement avant ce communiqué.
"Les stéréotypes islamophobes de ce communiqué sont insultants", a-t-elle tweeté, après avoir confié recevoir une "avalanche de menaces de mort".
"Citer un dossier ouvert contre Israël, les Etats-Unis, le Hamas et les Talibans à la CPI ne revient pas à faire une comparaison et ne vient pas de 'préjugés profondément ancrés' ", s'est-elle défendue.
Son directeur de communication est revenu plus longuement sur l'échange en commission derrière toute la polémique.
En 2020, la CPI, dont les Etats-Unis ne sont pas membres, "a ouvert une enquête sur des crimes présumés, perpétrés aussi bien par les Talibans que les Etats-Unis en Afghanistan, en plus des allégations visant en 2021 le Hamas et Israël pour le conflit à Gaza de 2014", écrit Jeremy Slevin.
Lors de l'audition parlementaire lundi, Ilhan Omar avait donc déclaré à Antony Blinken: "Dans ces deux cas, si les tribunaux du pays ne peuvent pas ou ne veulent pas chercher à rendre justice, et que nous nous opposons à la CPI, où pensons-nous que les victimes de ces crimes supposés puissent se rendre pour trouver la justice?".
"J'en ai assez que des collègues diabolisent" Ilhan Omar, a réagi l'élue de la Chambre d'origine palestinienne Rashida Tlaib. "Elle a le courage de dénoncer les abus contre les droits humains, peu importe le responsable."
En 2019, Ilhan Omar avait été épinglée à la Chambre pour son soutien à la campagne internationale de boycott d'Israël, que certains partisans de l'Etat hébreu assimilent à une forme d'antisémitisme.
Elle avait ensuite affirmé que le lobby pro-Israël Aipac finançait les responsables politiques américains afin qu'ils soutiennent ce pays du Proche-Orient, provoquant de nouvelles accusations d'intolérance.