L’espace civique togolais est réprimé. Cette appréciation émane du réseau Civicus, qui l’affirme au vu de son indice 2020 sur l’ouverture de l’espace civique dans le monde. Pour élaborer son indice, Civicus se base sur trois critères fondamentaux, notamment la liberté d’association, la liberté d’expression et la liberté des manifestations pacifiques.
"Le Togo est passé d’un espace civique obstrué à un espace réprimé, selon Civicus", rappelle Gislain Alédji, secrétaire exécutif du Forum des organisations de défense des droits des enfants (Foddet) au Togo.
"Lorsque nous sommes dans un espace ouvert, c’est en ce moment qu’il y a toutes les libertés qui sont respectées et on peut parler des droits de l’homme", a-t-il laissé entendre.
Dans un État de droit, des dispositions sont mises en place pour veiller au respect des libertés et droits fondamentaux.
Parmi ces dispositions figure en bonne place le contrôle de la constitutionnalité.
Au Togo, la saisine de la cour constitutionnelle est limitée à certaines autorités, ce qui constitue une limite au contrôle de constitutionnalité, estime Tikonimbé Koupokpa, professeur de droit constitutionnel à l’université de Lomé.
"On constate que cette saisine n’est toujours pas ouverte aux citoyens. Et fondamentalement, il s’agit d’une limite au contrôle de la constitutionnalité des lois. Puisque ce contrôle vise à protéger les droits et libertés des citoyens. Or, les citoyens n’ont pas le droit de saisir la cour constitutionnelle. Donc on leur reconnaît un droit sans leur donner les moyens de jouissance de ce droit", a expliqué l’universitaire.
Il a relevé qu’il serait très profitable pour le pays d’élargir la saisine de la Cour constitutionnelle aux simples citoyens. "Cela permettrait aux citoyens de défendre leurs droits violés par les pouvoirs publics", a soutenu le Professeur Koupokpa.
Selon des informations émanant des organisations de la société civile, le gouvernement togolais veut réformer la loi de 1901 relative aux associations.
Ces dernières souhaitent que les réformes en perspective se conforment aux lignes directrices sur la liberté d’association et de réunion en Afrique. Autre point d’inquiétude: l’obligation de transmettre des rapports d’activités et financiers à l’administration centrale.
"Au niveau de la société civile, nous sommes d’accord pour que les rapports en interne soient faits. Maintenant notre inquiétude, c’est le fait que dans les nouvelles dispositions, il y a des sanctions qui sont prévues si on n’est pas régulier pour fournir lesdits rapports", a dit Bruno Haden, secrétaire général de l’ACAT-Togo, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture.
"Donc, nous demandons simplement aux législateurs de prendre en compte notre proposition, de ne pas rendre ces dispositions obligatoires. Parce qu’assorties des sanctions, ça peut faire mal si par mégarde une association oublie de fournir ces genres de rapport", a plaidé M. Haden.
Pour une meilleure ouverture de l’espace civique, les organisations de la société civile comptent mener des plaidoyers, a annoncé Gislain Alédji du Foddet.
"D’ici peu, on fera des lobbyings et des plaidoyers pour que l’Etat revoie un peu la loi afin qu’on ne puisse pas aller jusqu’à un espace fermé. C’est vrai que ce n’est pas du jour au lendemain mais progressivement, la société civile aussi doit jouer son rôle pour qu’on puisse aller à l’idéal, qui est un espace ouvert", a déclaré M. Alédji.
Il y a encore quelques années, toutes les associations de la plupart des pays d’Afrique francophone étaient régies par la loi française du 1er juillet 1901. Entre temps, des pays comme le Burundi, le Congo ou encore le Rwanda ont modifié cette loi et l’ont adaptée aux réalités et exigences actuelles de leurs pays.