Le constat de populations immigrées regroupées dans certains quartiers populaires autour des grandes villes, préoccupation de longue date des politiques publiques, est un "phénomène universel" qui traverse les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques, écrivent les auteurs du rapport.
Ainsi, en France, 11,1% des Africains subsahariens vivaient dans le seul département de la Seine-Saint-Denis, où résidaient également 7,5% des Nord-Africains, en 2017.
"Dans un premier temps, l'arrivée dans une zone à forte concentration offre souvent de meilleures perspectives d'emploi aux immigrés. Toutefois, à plus longue échéance, la concentration des immigrés tend à freiner leur acquisition de la langue du pays d'accueil et, souvent, les progrès scolaires de leurs enfants", peut-on lire dans cette étude.
"Ce n'est pas grave qu'ils aillent dans ces endroits, parce que cela permet de diminuer le coût d'entrée. Ce qui est grave, c'est qu'ils y restent et qu'ils s'isolent. Le point de blocage est plus structurel: c'est la politique du logement, l'accès à l'emploi", résume Jean-Christophe Dumont, chef du pôle Migrations de l'OCDE.
- Un an de retard -
A long terme, "il y a une dimension intergénérationnelle dans l'impact de la ségrégation", ajoute Gilles Spielvogel, co-auteur de l'étude.
En particulier, l'OCDE estime que la concentration d'enfants d'immigrés dans certaines écoles génère un "handicap" qui se traduit par un retard cumulé "d'un an de scolarité" dans plusieurs pays dont la France, l'Allemagne ou la Belgique.
Cela "s'explique surtout par le contexte social dans les quartiers" et dans les familles défavorisées, où la langue du pays n'est généralement pas celle parlée dans le foyer, reprend Gilles Spielvogel.
En extrapolant les données de l'enquête Pisa sur les performances des systèmes éducatifs, sur laquelle les auteurs se fondent, "on peut convertir cet écart (entre enfants d'immigrés et reste de la population) en année", poursuit-il.
"La concentration géographique, c'est l'un des grands problèmes de la politique migratoire" car elle peut être un "piège" pour les migrants, convient François Héran, démographe qui dirige la chaire Migrations du Collège de France.
Pour lui, "le plus important, c'est que les individus puissent avoir le choix de partir et qu'on leur donne les moyens de s'émanciper de leur communauté", notamment en donnant accès à une offre de logements sociaux qui ne soit pas concentrée dans les quartiers défavorisés.
- "Exploitation" -
"Le système pervers de l'attribution du logement social peut participer de la ghettoïsation, car les critères sont un croisement entre la situation sociale et la situation au titre de l'immigration", abonde Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii).
Lui rejette toutefois le terme de "ségrégation": "Il n'y a pas de volonté de l’État de mettre des gens de même nationalité au même endroit. Il y a au contraire une volonté de répartition de la charge sociale de l'accueil sur tout le territoire", explique-t-il, prenant l'exemple de la répartition depuis le début de l'année de 1.700 demandeurs d'asile mensuels de l'Ile-de-France vers des centres en régions.
"Il y a des regroupements, mais ce sont aussi des modes d'exploitation des derniers arrivés par leur communauté, qui peuvent servir par exemple au remboursement de la dette de passage", poursuit-il.
Dans son rapport, l'OCDE rappelle que plusieurs pays ont tenté une stratégie de dispersion sur leur territoire des nouveaux arrivants. Sans grand résultat, à ce stade.
"Elle a abouti à des taux d'emploi plus faibles", peut-on lire dans l'étude. "Sans compter que beaucoup d'immigrés ayant fait l'objet des mesures de dispersion sont ensuite revenus s'installer dans les zones ségréguées."