Mais des observateurs soulignent qu'une vaste offensive militaire dans cette zone historiquement dominée par le parti au pouvoir risque de faire perdre la face aux dirigeants civils face à une armée de plus en plus puissante.
Au moins 73 personnes, dont nombre d'enfants, ont été tuées dans l'attentat anti-chrétien, qui le plus meurtrier depuis une attaque en décembre 2014 contre une école de Peshawar (nord-ouest), la pire de l'histoire du pays.
Cela souligne la fragilité des gains obtenus par l'intensification de l'offensive contre les groupes islamistes armés dans le nord-ouest du pays, dans la foulée de l'attentat de Peshawar.
L'attaque met aussi en lumière l'extrémisme proliférant dans la province centrale du Pendjab, région d'origine du Premier ministre Nawaz Sharif -- fournissant, selon des observateurs, une raison à l'armée pour intervenir dans son fief.
"M. Sharif résistait aux tentatives de l'armée de mener des opérations anti-terroristes dans la province, et l'armée semble se lancer malgré tout", estime Ahmed Rashid, un expert des questions de sécurité.
L'état-major a annoncé des descentes dans trois villes du Pendjab, et l'arrestation de plus de 200 personnes dans la foulée de l'attentat de Pâques, sans pour autant qualifier ces mesures d'offensive en bonne et due forme.
L'augmentation de la présence militaire dans le Pendjab pourrait mettre un frein aux activités extrémistes, comme cela a été le cas à Karachi, principale ville du Pakistan, où les violences ont nettement baissé depuis le début d'une opération des unités militaires du ministère de l'Intérieur, les Rangers, en 2013.
Mais cela impliquerait une remise en question du gouvernement civil, huit ans après le retour de la démocratie à l'issue d'une troisième dictature militaire en 70 ans d'existence du Pakistan.
"Ce à quoi nous assistons est un coup d'Etat larvé", estime M. Rashid. "L'armée a déjà le contrôle total de la politique extérieure, et de la stratégie anti-terroriste dans deux provinces (le Khyber Pakthunkwa dans le nord-ouest et le Sindh dans le Sud), et se tourne maintenant vers une troisième" province.
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L'insurrection islamiste pakistanaise a émergé peu après l'invasion de l'Afghanistan menée par les Américains, qui a repoussé des milliers de combattants radicaux vers le Pakistan voisin, où ils se sont installés dans le nord-ouest.
Les principales opérations contre les violences extrémistes se sont depuis concentrées dans cette zone majoritairement pachtoune -- reléguant à l'arrière plan l'islamisme radical dans d'autres zones comme le Pendjab, observent des spécialistes.
Lahore est l'une des rares zones du pays considérées comme relativement sûres, mais des attaques y ont ponctuellement lieu. Il y a tout juste un an, un double attentat-suicide perpétré par les talibans contre des églises y avait fait ainsi fait 17 morts.
"Le gouvernement du Pendjab n'est pas parvenu à déraciner nos extrémistes dans le sud de la province" déplore Aamir Mughal, un ancien officier du renseignement devenu expert.
"L'exécutif provincial, qui s'inquiète surtout de son image à l'étranger, a repoussé une opération militaire dans la province pour se débarrasser de ces groupes".
D'autant qu'une opération de ce genre pourrait mettre à mal l'alliance de longue date entre le parti de M. Sharif et des groupes islamistes pendjabis qui lui apportent un soutien électoral précieux -- dont le mouvement Sunni Tehreek, tête de file des manifestation en cours à Islamabad pour réclamer une application stricte de la sharia, la loi islamique.
Célèbre pour son héritage moghol et considérée comme la capitale culturelle du Pakistan, Lahore, où sont basés nombre de libéraux du pays, a été la base électorale de Zulfiqar Ali Bhutto, le Premier ministre socialiste, puis du Premier ministre Sharif, qui exerce actuellement son troisième mandat, et dont le frère gouverne la province.
"Une seule famille de Lahore gouverne donc le Pendjab et souvent (le pays) depuis (...) plus de trente ans", souligne Badar Alam, rédacteur en chef du Herald magazine. "C'est pour cela que la puissance du Pendjab n'a fait que croître."
Et c'est aussi ce qui en a fait une cible de choix pour la faction talibane qui a revendiqué l'attentat de Pâques, Jamaat-ul-Ahrar, qui a raillé mardi le Premier ministre, se vantant d'avoir amené "la guerre devant chez lui".
Avec AFP