Ce sommet d'une journée réunira les ministres des 15 pays d'Afrique de l'ouest et du centre utilisant le franc CFA, mais aussi le ministre français des Finances Michel Sapin. Il vise à faire le point sur la situation économique et les réformes en cours au sein des pays membres de la zone.
Il sera question notamment "d'intégration commerciale", jugée incomplète en raison d'une application insatisfaisante des règles douanières, et de "l'impact de la chute du cours des matières premières sur les pays de la zone", détaille une source proche des discussions.
Au-delà de ces sujets d'actualité, c'est la question de l'avenir du franc CFA qui pourrait revenir sur le tapis, à la faveur des échanges entre ministres et banquiers centraux sur sa convertibilité et sur son fonctionnement.
Le débat sur le franc CFA, récurrent depuis la création de cette monnaie voilà 70 ans, a été relancé en 2015 par les critiques virulentes du président tchadien Idriss Déby qui a appelé les pays de la zone franc à se doter de leur propre monnaie.
"Cette monnaie, elle est africaine. Il faut maintenant que réellement, dans les faits, cette monnaie soit la nôtre", avait-t-il déclaré lors de la célébration des 55 ans de l'indépendance du Tchad.
"Il y a des clauses qui sont dépassées. Ces clauses-là, il faudra les revoir dans l'intérêt de l'Afrique et dans l'intérêt aussi de la France. Ces clauses tirent l'économie de l'Afrique vers le bas", avait-il ajouté.
Le "CFA", nom donné à deux monnaies distinctes, utilisées en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, est lié à l'euro par un système de parité fixe. Pour garantir cette parité, les Etats africains doivent déposer 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor français.
- Monnaie unique régionale ? -
Ce lien fort avec l'euro est considéré par beaucoup comme un gage de stabilité. "Le franc CFA est une monnaie d'intégration" ce qui "est très important pour développer des grands marchés intérieurs", a estimé en décembre le Premier ministre béninois Lionel Zinsou.
Mais le système est aussi accusé de freiner le développement de l'Afrique, en obligeant les Etats concernés à calquer leur politique monétaire sur celle de la zone euro, en dépit d'impératifs économiques parfois divergents.
"Tôt ou tard c'est une discussion qu'il faudra ouvrir, au regard également des difficultés que traverse l'Europe depuis quelques années", a déclaré jeudi à l'AFP le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, de passage à Paris.
"Les partisans disaient que le franc CFA pourrait favoriser le développement et l'intégration de nos pays. Or rien de tel ne s'est produit depuis 50 ans", juge Demba Moussa Dembélé, directeur du Forum africain des alternatives.
Comme de nombreux économistes africains, ce dernier appelle de ses voeux la création, à l'horizon 2020, d'une monnaie unique pour remplacer le "CFA", avec la fin de la parité fixe avec l'euro.
Quels pays concernés? Quelle convertibilité? Tous, dans les modalités, ne sont pas d'accord: certains souhaitent une évolution du système, via une réunion des deux francs CFA ou bien un arrimage à un panier de devises (euro, dollar, yuan); d'autres, partisans d'une vraie "rupture", prônent la création d'une monnaie indépendante, au sein par exemple de la Cedeao (15 pays d'Afrique de l'ouest, dont le Nigeria).
"A ce stade, ça reste encore de la rhétorique, il n'y a rien de concret", analyse Noël Magloire Ndoba, ex-doyen de la Faculté des Sciences économiques de l'université de Brazzaville, qui s'étonne du manque d'empressement des responsables africains à se saisir de la question, pourtant "très discutée" par la société civile.
Lors du dernier sommet de la zone franc, le 2 octobre à Paris, le sujet a pourtant été abordé. "La France est entièrement ouverte à toutes les discussions. Tous les pays membres de cette zone monétaire sont libres et indépendants", a ainsi rappelé Michel Sapin.
Mais depuis, les choses n'ont guère avancé, tous les pays de la zone franc n'ayant pas les mêmes intérêts. Malgré ces atermoiements, la question "finira par s'imposer", pronostique pourtant Noël Magloire Ndoba, qui évoque l'effet de la "guerre des monnaies": "aujourd'hui, le yuan chinois se répand. Cela modifie la donne".
Avec AFP