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Le blocage d'internet jugé illégal et l'arrestation d'un chef syndical au Zimbabwe


 Evan Mawarire
Evan Mawarire

La justice zimbabwéenne a jugé lundi illégal le blocage de l'internet ordonné par le gouvernement, qui a poursuivi la répression à grande échelle de la fronde contre la hausse des prix de l'essence en faisant arrêter le chef du principal syndicat du pays.

A la suite de l'annonce le 12 janvier du doublement des prix à la pompe, la principale confédération syndicale du pays, la ZCTU, avait appelé à une grève générale de trois jours.

Le mouvement s'était traduit par une opération villes mortes dans un pays où le chômage flirte avec les 90% , des manifestations et des pillages violemment réprimés par les forces de l'ordre.

Au moins 12 personnes ont été tuées la semaine dernière, selon le Forum des ONG des droits de l'Homme au Zimbabwe.

Pour tenter de faire taire la contestation, le gouvernement avait ordonné aux opérateurs téléphoniques de bloquer entièrement, puis plus partiellement l'accès à internet. Mais lundi, un juge a estimé cette décision illégale.

"Il est évident que le ministre (de la Sécurité de l'Etat) n'avait pas l'autorité de prendre cette directive", a déclaré le juge Owen Tagu devant un tribunal de Harare.

Seul le chef de l'Etat a compétence en la matière, a précisé David Halimana, représentant l'organisation des Avocats du Zimbabwe pour les droits de l'homme (ZLHR) et l'Institut des médias d'Afrique australe (Misa).

L'ordre de bloquer l'internet est "annulé, ce qui signifie que les opérateurs ont ordre, avec effet immédiat, de donner un accès illimité à internet à tous leurs abonnés", a estimé M. Halimana.

Amnesty International a aussi appelé Harare "à rétablir l'accès à internet immédiatement dans tout le pays".

Parallèlement, la répression féroce menée par les autorités s'est poursuivie.

Le secrétaire général de la ZCTU, Japhet Moyo, a été arrêté lundi à l'aéroport international Robert-Mugabe d'Harare, selon un porte-parole de la ZLHR, Kumbirai Mafunda.

"Il est actuellement dans un commissariat de police d'Harare", a-t-il ajouté à l'AFP, "accusé d'avoir comploté en vue de renverser l'administration du président Emmerson Mnangagwa à la suite des manifestations anti-gouvernementales".

- 'Couvre-feu' de fait-

La présidence zimbabwéenne, via son porte-parole George Charamba, avait prévenu ce week-end que la répression de ces derniers jours n'était "qu'un avant-goût".

A ce jour, de nombreux opposants ont déjà été arrêtés.

Le pasteur Evan Mawarire est ainsi détenu pour subversion. Sa demande de libération conditionnelle sera étudiée mercredi.

Cinq députés du principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), ont également été interpellés, selon la formation.

La riposte des autorités à la contestation a suscité des condamnations de la communauté internationale, l'ONU dénonçant un "usage excessif de la force".

La situation s'est cependant normalisée lundi dans le pays, toujours sous forte présence policière. La plupart des magasins ont rouvert dans les grandes villes, mais de nombreux établissements scolaires sont restés fermés.

A Bulawayo (sud), fief de l'opposition, l'armée a de fait imposé un couvre-feu en ordonnant dimanche aux bars de fermer tôt et en vidant les rues des quartiers populaires.

"Ils frappaient de façon indiscriminée les gens dans la rue", a raconté un habitant, Lucas Ngwenya. "Ils ne nous donnaient même pas l'occasion de nous expliquer. C'est comme s'il y avait un couvre-feu, sans qu'on soit informés."

La fronde a éclaté la semaine dernière à l'annonce de la hausse spectaculaire des carburants, dans un pays plongé dans une grave crise économique depuis deux décennies.

Le quotidien des Zimbabwéens ressemble à un combat permanent pour trouver de l'argent liquide, de la nourriture et des médicaments. Ils doivent en plus désormais débourser 3,31 dollars pour un litre d'essence, ce qui fait du Zimbabwe le pays où le carburant est le plus cher au monde.

Le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa avait pourtant promis lors de son arrivée au pouvoir, fin 2017 après la chute de Robert Mugabe, la reprise de l'économie.

Lundi, après une semaine d'absence, il était en route pour le Zimbabwe, après avoir interrompu sa tournée à l'étranger "en raison de la situation économique" dans son pays.


Avec AFP

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