"Il ne faut pas que, demain, ça soit comme le génocide rwandais (de 1994, ndlr) et qu'on nous envoie des ONG d'urgence, alors qu'on pouvait prévenir toutes ces tueries", a prévenu Marguerite "Maggy" Barankitse, 60 ans, de passage à Bruxelles pour recevoir le prix Jean Rey, du nom d'un ancien président belge de la Commission européenne (1967-1970).
Le petit pays de la région des Grands lacs d'Afrique centrale connaît une forte instabilité depuis l'annonce en avril 2015 de la candidature du président sortant Pierre Nkurunziza et sa réélection en juillet.
Il a depuis basculé dans une grave crise politique marquée par des violences qui ont déjà fait plus de 500 morts et poussé plus de 270.000 Burundais à l'exil.
Le gouvernement du Burundi et des mouvements rebelles nés de la contestation du troisième mandat de M. Nkurunziza se rejettent la responsabilité des nombreux assassinats ciblés visant des soldats, policiers et officiers.
Cette situation est le fait de "la cupidité d'une seule personne, qui s'appelle Pierre Nkurunziza", accuse Mme Barankitse, figure de la société civile qui a sauvé quelque 30.000 enfants devenus orphelins lors de la guerre civile de 1993 dans son pays.
Pour Mme Barankitse, son pays de quelque 10 millions d'habitants est devenu un "Etat voyou" et la Cour pénale internationale de La Haye devrait "d'urgence" poursuivre et juger le président Nkurunziza.
"Plus de 6.000 personnes sont dans les prisons, on a retrouvé neuf fosses communes, on ne peut pas dénombrer les personnes qui sont mortes", énumère-t-elle avec rage.
Le 3 juin, 11 lycéens de Muramvya (centre) ont été inculpés puis incarcérés pour outrage au chef de l'Etat pour avoir dessiné des gribouillages sur des photos du président burundais dans des manuels scolaires.
- 'Pas des mouches' -
"Il a commencé à s'attaquer à ses collègues qui voulaient un Etat de droit et, maintenant, il s'attaque aux enfants. Il commet un crime contre l'humanité", accuse l'icône des opposants burundais.
"Les crimes de Nkurunziza sont connus, le monde entier ne va pas dire qu'il n'était pas au courant, nous l'avons assez crié. Ça fait une année qu'on le crie, une année qu'on nous tue", clame-t-elle.
C'est lors des premières manifestations au printemps 2015, quand un jeune de 15 ans est tué par la police, que cette fervente chrétienne a décidé de s'opposer publiquement au président.
"Alors qu'il était à genoux, les bras en l'air, le policier s'est avancé et lui a fracassé le crâne", se souvient-elle avec émotion.
Elle devient infréquentable pour le président burundais, qui l'avait pourtant gratifiée du surnom de "Maman nationale du Burundi".
Aujourd'hui, tous les projets de son association, la "Maison Shalom", sont gelés et son hôpital fermé, mais Marguerite Barankitse continue son combat depuis un camp de réfugiés au Rwanda voisin, où elle est exilée.
"J'ai été menacée de mort, j'ai eu un mandat d'arrêt international. Alors j'ai décidé de quitter le Burundi, parce qu'un de mes enfants m'a dit +Maman, nous te voulons vivante, nous ne voulons pas être pour la deuxième fois orphelins+", raconte-t-elle, visiblement remuée.
"Ce ne sont pas des mouches qui sont en train de mourir", dit-elle, en espérant être entendue jusqu'au Conseil de sécurité de l'ONU.
L'Union africaine a décidé en février de porter à 200 au total le nombre d'observateurs des droits de l'Homme et experts militaires envoyés au Burundi depuis septembre 2015, mais moins d'un quart d'entre eux ont été déployés, a appris jeudi l'AFP de sources proche de l'UA.
Avec AFP