Le président camerounais Paul Biya, dont les apparitions publiques sont rares, a présidé un défilé civil et militaire sur le boulevard du 20-Mai, à Yaoundé.
"Le Cameroun uni et indivisible à jamais", pouvait-on lire sur une banderole montrée par la télévision d'Etat, la CRTV, qui retransmettait la cérémonie en direct.
D'autres cérémonies se déroulaient en parallèle dans les régions. Aucun incident n'avait été signalé à travers le pays, à 12H00 GMT.
Baptisée "fête de l'unité", ce rendez-vous annuel intervient cette année dans un contexte socio-politique tendu, marqué notamment par le conflit armé qui sévit dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, les deux régions anglophones sur les dix que compte le pays.
Les séparatistes, qui se battent pour la création d'un Etat indépendant dans ces deux régions, ont appelé à deux jours de "villes mortes" les 19 et 20 mai, bannissant toute activité publique pour s'opposer à la tenue de la fête nationale.
A Buea, dans le Sud-Ouest, "les gens ne se sentent pas concernés. Ils n'adhèrent pas à l'idée que c'est la fête nationale", a constaté sous couvert d'anonymat le responsable d'une ONG locale, joint depuis Yaoundé. "Les gens veulent d'abord que le calme revienne, qu'on dialogue".
- "Temps très difficiles" -
Des habitants d'autres villes ont été mobilisés pour prendre part au défilé à Buea, selon des sources concordantes.
A Santa, dans le Nord-Ouest, un camion transportant du ciment a été incendié dimanche par des séparatistes, d'après des témoins.
Les festivités de la fête nationale ont également été marquées par le boycott des deux principaux partis d'opposition.
Le Social Democratic Front (SDF), qui prenait part à ces célébrations depuis des années a ainsi expliqué qu'il se mettait en marge cette année, par "sympathie avec les Camerounais qui vivent dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et ceux qui souffrent de la grave crise d'insécurité dans les autres parties du pays", notamment dans l'Extrême-Nord où les djihadistes de Boko Haram sont actifs.
De son côté, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) "ne peut pas célébrer lorsque des Camerounais sont tués pendant que le gouvernement fait la sourde oreille". Le président du MRC, Maurice Kamto, officiellement arrivé deuxième à la présidentielle d'octobre 2018, est notamment accusé d'"insurrection" et détenu, avec plus de 150 de ses soutiens et militants, depuis fin janvier.
"Nous vivons des temps très difficiles. Il y a des revendications qui remettent en cause la structure de l'Etat", a souligné l'historien camerounais Emmanuel Tchumtchoua, qui s'inquiète de la montée depuis plusieurs mois d'un discours de haine tribale sur les réseaux sociaux et dans certains médias.
Réélu lors d'une présidentielle dont les résultats ont été contestés, Paul Biya multiple depuis plusieurs semaines les appels à la tolérance et à l'unité.
- Francophones et anglophones -
Son compte tweeter affiche ainsi de nombreux messages, en français et en anglais, appelant à l'unité nationale, un registre qui lui est inhabituel et qui pourrait être le signe d'un changement d'attitude.
"Recherchons dans nos différences ce qui peut nous enrichir mutuellement et nous unir davantage", a ainsi écrit dimanche le président camerounais. "N'opposons pas des Camerounais entre eux. N'opposons pas anglophones et francophones ...", demandait-il la veille.
La fête nationale a été instituée le 20 mai 1972, date à laquelle un référendum avait été organisé pour réunifier le Cameroun francophone et le Cameroun anglophone. La République fédérale du Cameroun avait alors changé de dénomination, devenant République unie du Cameroun.
Mais ce symbole d'unité a pris une nouvelle signification, alors que depuis plus d'un an, les régions anglophones sont le théâtre d'un conflit armé qui n'a cessé de prendre de l'ampleur.
Fin 2017, après un an de protestation, des séparatistes ont pris les armes contre Yaoundé, se battant pour la division du pays. De son côté, le SDF milite pour un retour au fédéralisme.
Des combats opposent régulièrement l'armée, déployée en nombre, à des groupes épars de séparatistes armés qui, cachés dans la forêt équatoriale, attaquent gendarmeries et écoles et multiplient les enlèvements.
Selon l'ONU, la crise a déjà forcé plus de 530.000 personnes à fuir leur domicile. En vingt mois, le conflit en zone anglophone a fait 1.850 morts, selon le centre d'analyses géopolitiques International Crisis Group (ICG).