La chambre criminelle du tribunal de grande instance de Mbour, à 80 km au sud-est de Dakar, a reconnu ce responsable mouride, une des plus influentes confréries de l'islam au Sénégal - pays à plus de 90% musulman - coupable de "non-dénonciation de crime et complicité de meurtre".
En traitement médical en France, il était jugé depuis le 23 avril en son absence, le président du tribunal ayant refusé une demande de sursis de ses avocats, qui n'ont pas été autorisés à plaider pendant le procès.
Son chambellan, Cheikh Faye, a été reconnu coupable des mêmes faits et condamné à la même peine. Dix autres prévenus ont été condamnés à 15 ans de travaux forcés et deux autres à huit ans de travaux forcés.
Le procureur Youssou Diallo avait requis la semaine dernière les travaux forcés à perpétuité contre Cheikh Bethio et 16 des prévenus, poursuivis pour meurtre avec actes de barbarie, association de malfaiteurs, recel de cadavres, inhumation sans autorisation administrative, détention d'armes sans autorisation et non-dénonciation de crime.
Il avait également demandé un mandat d'arrêt international contre le guide religieux.
Mais le tribunal a décidé de ne pas prononcer de "contrainte par corps pour Bethio Thioune en raison de son âge" - plus de 80 ans. Il a en revanche placé ses biens sous séquestre et alloué aux héritiers de chacune des deux victimes 100 millions de francs CFA (environ 152.000 euros).
Deux prévenus ont écopé de cinq ans d'emprisonnement ferme et un autre de six mois. Les trois autres prévenus, dont un chauffeur, ont été acquittés.
"Le droit a été dit et bien dit. La chambre criminelle a fait un travail remarquable en situant les responsabilités. Ceux qui ont été pris la main dans le sac ont été lourdement sanctionnés", a déclaré à l'AFP Me Khassimou Touré, avocat des parties civiles.
Le verdict a été accueilli dans le calme, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Des fidèles de Cheikh Bethio Thioune présents dans la salle et à l'extérieur du tribunal, où des barrières métalliques avaient été installées à l'entrée ont quitté sans incident les lieux, gardés par des gendarmes et des policiers.
Ses fidèles, appelés "thiantacounes", avaient violemment protesté contre sa détention en 2012. A Dakar, ils avaient notamment brisé les vitres de plusieurs dizaines de véhicules le 22 octobre 2012.
En liberté provisoire depuis février 2013, Cheikh Bethio Thioune avait été arrêté le 23 avril 2012 à la suite de la mort de deux de ses disciples lors d'une rixe dans le village de Keur Samba Laobé (ouest), où il possède une résidence.
Selon le récit des avocats pendant le procès, il avait interdit à l'une des victimes l'accès à son domicile, lui reprochant une dévotion excessive à son égard - elle le comparait même à Dieu. L'homme avait bravé l'interdiction et des fidèles s'en étaient pris à lui, le tuant avec un de ses compagnons.
Selon l'ordonnance de renvoi, les corps des deux victimes, enterrés à 800 mètres de son domicile, présentaient "des violences" causées par des "armes tranchantes, contondantes et à feu".
Les organisations de défense des droits humains et les familles des accusés réclamaient depuis des années la tenue de ce procès, dénonçant la durée excessive de la détention préventive de la plupart des prévenus.