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Le combat pour la Cour suprême déchire déjà le Sénat américain


Le président des États-Unis Donald Trump en compagnie du juge Anthony Kennedy à la Maison Blanche à Washington, le 10 avril 2017.
Le président des États-Unis Donald Trump en compagnie du juge Anthony Kennedy à la Maison Blanche à Washington, le 10 avril 2017.

Les démocrates du Sénat américain se sont lancés jeudi dans une bataille qui s'annonce rude, voire impossible, pour empêcher la majorité républicaine de nommer le prochain juge de la Cour suprême. En jeu: l'avenir des plus grandes questions de société.

Mariage homosexuel, discriminations raciales, peine de mort, controverses électorales, port d'arme, poids des syndicats: la haute cour, gardienne de la Constitution américaine, tranche les plus importants débats.

L'annonce surprise, mercredi, du départ à la retraite de l'un de ses neufs sages, Anthony Kennedy, a précipité les Etats-Unis vers un scénario qui verrait la Cour suprême basculer dans sa composition la plus conservatrice depuis des décennies.

"Un coup de grâce", selon l'éditorial du progressiste New York Times jeudi, qui reflète l'inquiétude de la gauche américaine.

"Des vies de femmes sont en jeu", s'est alarmée la sénatrice démocrate Kirsten Gillibrand sur Twitter. "Je me battrai pour que vous ayez une voix dans le choix du prochain juge".

>> Lire aussi : Trump a l'occasion d'accentuer le conservatisme de la Cour suprême

En publiant une liste de 25 noms peu après l'annonce du départ d'Anthony Kennedy, 81 ans, le président républicain Donald Trump a promis que le processus pour nommer son successeur allait débuter "immédiatement".

Son remplaçant "pourra avoir un impact sur les lois des Etats-Unis et les droits de ses citoyens pendant une génération", a mis en garde le chef de la minorité démocrate au Sénat Chuck Schumer, très remonté.

Donald Trump a depuis son élection en 2016 notamment proclamé sa préférence pour des juges penchant contre le droit à l'avortement. Et l'a démontré avec une première nomination en 2017: celle du conservateur Neil Gorsuch.

Désigné en 1987 par le républicain Ronald Reagan, Anthony Kennedy a pendant trente ans joué un rôle crucial d'arbitre, faisant le balancier entre les quatre sages conservateurs et les quatre progressistes. C'est lui qui a par exemple pesé en faveur de la légalisation du mariage gay en 2015.

Si Neil Gorsuch a succédé à un magistrat déjà conservateur, le remplaçant d'Anthony Kennedy pourra donc lui modifier l'équilibre de la haute cour.

Or plusieurs candidats de Donald Trump ont été approuvés par des associations ultra-conservatrices. Et ils n'ont en moyenne qu'une cinquantaine d'années, le plus jeune ne dépassant pas la quarantaine, ce qui pourrait assurer un ancrage à droite pendant des décennies chez ces sages nommés à vie.

- "Allez voter" en novembre -

Si le choix des juges de la Cour suprême revient au président américain, c'est au Sénat de confirmer la nomination. Et la bataille sur la colline du Capitole promet d'électriser les élections parlementaires de novembre, où un tiers des sièges du Sénat sera en jeu.

Le chef de la majorité républicaine Mitch McConnell a promis un vote "à l'automne", avant le scrutin. En face, les démocrates ne décolèrent pas.

L'opposition n'a en effet jamais digéré que ce même Mitch McConnell ait bloqué pendant de longs mois l'audition d'un sage nommé par le démocrate Barack Obama en fin de mandat, arguant en février 2016 qu'il fallait respecter "les voix" des Américains, appelés aux urnes en novembre.

Les démocrates l'exhortent donc à attendre cette fois les élections du 6 novembre. "Absurde", rétorque le camp républicain, affirmant qu'il ne se référait qu'à la présidentielle.

Indignés, les chefs démocrates n'ont que peu de moyens d'influer sur ce calendrier.

Autre point de contentieux, les républicains ont changé, pour Neil Gorsuch, la règle d'or voulant que ces hauts magistrats soient approuvés par une majorité qualifiée.

Mais l'équation reste compliquée pour eux, qui ne disposent que d'une très courte avance, avec 51 sénateurs sur 100. L'un d'eux, John McCain, lutte contre un cancer loin de Washington et ils ne peuvent donc se permettre aucune désertion. Or au moins deux sénatrices républicaines, Susan Collins et Lisa Murkowski, défendent le droit à l'avortement.

Cette dernière a rappelé sa tradition de "vote indépendant" sur la Cour suprême.

Susan Collins, elle, a prévenu que le célèbre arrêt qui a légalisé l'avortement aux Etats-Unis en 1973, Roe v. Wade, "fait clairement précédent et je cherche toujours des juges qui respectent les précédents".

La porte-parole de la Maison Blanche Sarah Sanders a tweeté jeudi soir que le président avait rencontré les deux sénatrices ainsi que leur collègue républicain Chuck Grassley et démocrates Joe Manchin, Joe Donnelly et Heidi Heitkamp "pour discuter de la vacance à la Cour suprême". "Ses équipes ont parlé avec des dizaines d'autres sénateurs", a-t-elle ajouté.

Mais le bloc démocrate n'est pas non plus uni, le vote d'au moins trois sénateurs faisant face à des réélections difficiles sur des terres pro-Trump étant en doute.

Associations et médias progressistes ont eux déjà démarré une campagne pour pousser au vote en novembre, brandissant la perspective d'autres départs, ou décès, à la Cour suprême.

"Ne sous-estimez pas un seul instant l'importance d'aller voter en novembre", lance l'éditorial du New York Times, soulignant que la participation n'était que de 36% il y a quatre ans. "Si plus de gens étaient allés voter, le Sénat aurait bien pu rester sous le contrôle des démocrates".

Avec AFP

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