Les quelque 3.000 kilomètres de frontière avec le voisin du Nord sont parsemés de postes de contrôle, où des centaines d'agents montent la garde, épaulés par des caméras, des hélicoptères et des drones.
Mais les migrants, inquiétés par la promesse du futur 45e président des Etats-Unis de contruire un mur infranchissable entre les deux pays, parviennent à passer de l'autre côté.
Dans la petite localité de Sasabe, collée à la frontière côté mexicain, on peut observer des marques blanchâtres sur une des colonnes en métal qui composent la barrière limitrophe. A quelques mètres sur le sable, on aperçoit une bouteille d'eau.
"Quelqu'un a sûrement grimpé et a traversé là", explique à l'AFP Sergio Flores, qui dirige un groupe d'aide aux migrants mis en place par les autorités. La bouteille a été peinte en noir afin d'éviter les reflets du Soleil qui pourrait les faire repérer, une astuce "fréquente", explique-t-il.
A Caborca, un autre village proche de la frontière dans l'Etat de Sonora (nord-ouest), quelques Honduriens attisent un feu à l'aide de détritus par une matinée glaciale.
Fuyant les gangs criminels et le chômage, ils ont traversé le Mexique sur le fameux train de marchandises "La Bestia" ("la Bête"), en espérant arriver aux Etats-Unis avant l'investiture de Trump.
"Quand j'ai vu cet homme dire à la télé qu'il détestait les migrants et qu'il allait construire un mur, je me suis dit: 'c'est maintenant ou jamais'", raconte le long des voies ferrées Wilson, un maçon hondurien de 48 ans qui a passé Noël sur la route et n'a pu voir naître sa dernière fille.
Kit du migrant
"Il y a de plus en plus" de migrants, constate Laura Ramírez, une activiste qui leur offre quotidiennement des petits-déjeuners.
Selon des chiffres officiels, 20.709 sans-papiers ont été interpellés au Mexique en octobre, et 17.230 en novembre. Des gouverneurs ont demandé des ressources supplémentaires, affirmant être débordés par ce phénomène migratoire.
De leur côté, les autorités américaines ont indiqué avoir interpellé 530.250 migrants en 2016, contre 462.328 un an plus tôt.
Pour tromper la vigilance des policiers, les sans-papiers "ont perfectionné leurs méthodes", selon Flores.
Pantoufles équipées de semelles en tapis qui ne laissent pas de trace dans le sable ou vêtements de camouflage font partie de l'équipement nécessaire pour effectuer la traversée.
Le 'kit' peut comprendre également des chaussures avec "semelles de vache" qui impriment sur le sol des traces de bovins pour tromper les autorités.
Dans leur sac à dos, souvent aussi fabriqué en tissu de camouflage, les migrants emportent un imperméable, un sérum anti-venin en cas de morsure de vipère, de l'alcool pour faire du feu, du talc pour les pieds, des médicaments anti-douleur et contre les rhumes.
Ils emportent aussi des amulettes pour s'attirer la chance, des photos d'une fiancée ou de leurs enfants, et une obsession pour le rêve américain.
Ces équipements pour migrants sont proposés à la vente dans les boutiques situées sur la place principale de Altar, un village de Sonora surnommé le "Wal-Mart du migrant".
'Gros business'
Chacun d'eux paye environ 1.000 dollars à des "coyotes", des passeurs qui les conduisent de leur pays d'origine jusqu'à la frontière. Mais ensuite ils doivent débourser 5.000 dollars supplémentaires pour entrer aux Etats-Unis.
"C'est un gros business", commente Flores.
Certains des migrants ne peuvent payer cette somme et doivent alors se transformer en "mule" pour franchir la frontière, avec un sac de 50 kilos de marijuana sur le dos.
"Les narcotrafiquants ne nous payent pas, ils nous laissent simplement passer", explique ce Hondurien.
Donald Trump a déclenché la colère du voisin du sud en déclarant que parmi les migrants clandestins mexicains se trouvaient des criminels et des violeurs.
"Cet homme raciste panique", estime El Guero. "Notre seul péché est d'avoir vu le jour dans un pays pauvre et de ne pas avoir d'argent pour payer les mafias" aux frontières, se défend-il.
De l'autre côté de la frontière, dans la ville d'Arivaca, en Arizona, les migrants ne sont pas populaires. "On ne peut pas nier qu'ils apportent des problèmes", assure un serveur sous le couvert de l'anonymat.
"Je pense qu'ils ne devraient pas être là. Ce n'est pas chez eux", ajoute-t-il.
A Caborca, Wilson regarde vers les Etats-Unis, où il espère qu'un avenir meilleur l'attend.
"J'ai confiance en Dieu pour qu'il adoucisse le coeur de Trump", dit-il.
Avec AFP