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Le crime qui réveille les démons de l'Amérique


Luigi Mangione, le suspect du meurtre de Brian Thompson, PDG du géant de l'assurance-santé UnitedHealthcare.
Luigi Mangione, le suspect du meurtre de Brian Thompson, PDG du géant de l'assurance-santé UnitedHealthcare.

Frustrations envers le système de santé, violence endémique, polarisation sociétale... Le récent meurtre de Brian Thompson, PDG d'une des plus puissantes compagnies d'assurance-santé du pays, fait ressurgir certains maux de la nation américaine.

La chasse à l'homme pour retrouver Luigi Mangione a pris fin depuis le 9 décembre 2024, mais les maux que soulève l'acte présumé de ce jeune de 26 ans n'ont certainement pas fini de faire débat. Il est en effet suspecté d'avoir abattu par balles, cinq jours plus tôt en pleine rue de Manhattan, Brian Thompson, patron du géant de l'assurance-santé UnitedHealthcare, laissant derrière lui des douilles gravées avec des mots : "deny", "defend", "depose".

Ce triptyque, parfois surnommé les "3D", reflète, selon l'opinion américaine, la stratégie dilatoire classique des compagnies d'assurance face aux demandes de remboursement de leurs assurés.

Au moment de son arrestation, la police a retrouvé sur le suspect, décrit comme un brillant ingénieur de données diplômé de la prestigieuse université UPenn, un document manuscrit de 262 mots.

Y figurent, à en croire des sources proches de l'enquête citées par le New York Times, l'état des lieux d'UnitedHealthcare – la taille de l'entreprise et ses bénéfices – mentionnée nommément, ainsi qu'un réquisitoire contre un système de santé où "les profits priment sur les soins".

Un système objet de frustrations

Dans un pays où six adultes sur 10 déclarent avoir eu des problèmes avec leur assurance santé au cours des douze derniers mois selon l’organisation KFF (Kaiser Family Foundation), un tel message trouve un écho particulier.

Entre autorisations préalables, négociations de tarifs et conflits sur la couverture des soins, le système de santé américain peine à donner satisfaction malgré son coût estimé à 4465 milliards de dollars en 2022, selon la presse américaine.

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Les refus de prise en charge sont monnaie courante. À cet effet, UnitedHealthcare, le principal groupe du secteur comptant plus de 50 millions d’assurés, affichait 8,7% de taux de rejet en 2022 pour les plus de 65 ans, contre une moyenne de 7,4%, d’après KFF.

"C’est ça le système de santé américain. Votre enfant naît avec des centaines de milliers de dollars de dettes. Si vous n’êtes pas couvert, votre vie peut basculer à tout moment", témoigne Philippe Corbé, journaliste français ayant résidé aux États-Unis, décrivant une problématique qui traverse le pays depuis des décennies.

Un assassinat devenu symbole

Le drame de Brian Thompson est de fait devenu le catalyseur d'une vieille rancœur. Sur les réseaux sociaux, les messages de soutien se sont multipliés à l’endroit de Luigi Mangione avant même son arrestation.

Érigé en une sorte de redresseur de torts, le jeune homme issu d’une famille aisée de Baltimore, voit fleurir des t-shirts à son effigie, ainsi que des tags reprenant le message retrouvé sur les douilles. Une cagnotte a même été ouverte pour lui réunir des frais d’avocat.

"Je n'ai aucune tolérance, et personne ne devrait en avoir, pour un homme qui utilise une arme fantôme illégale pour assassiner quelqu'un parce qu'il pense que son opinion compte plus que tout", a déclaré le gouverneur de Pennsylvanie Josh Shapiro.

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L’affaire a pris une tournure politique lorsque les sénateurs démocrates Bernie Sanders et Elizabeth Warren ont semblé justifier le drame, cette dernière le décrivant comme "un avertissement" aux compagnies d’assurance, tout en condamnant la violence.

"Un meurtre ne peut pas être rationalisé, et une société qui le fait le fait à ses propres risques et périls. Et la sympathie pour cet acte est un signe de la dégradation de notre culture et de notre politique", a rétorqué le comité éditorial du Wall Street Journal, le 11 décembre 2024.

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