Mais les forces de sécurité ghanéennes n'ont voulu prendre aucun risque.
La police et l'armée ont lancé la semaine dernière une opération contre un groupe qu'ils soupçonnaient de s'apprêter à proclamer une nouvelle nation dans la région orientale de la Volta. Les soldats ont bloqué des routes et pris d'assaut des maisons, arrêtant 89 personnes au total, en majorité autour de la ville de Ho, à quelque 150 km au nord-est de la capitale Accra.
Les séparatistes, membres du groupe Homeland Study Group Foundation (HGSF), rêvent d'un nouveau pays qu'ils ont déjà baptisé "Togoland occidental".
"Nous ne laissons rien au hasard", a déclaré Prince Dogbatse, porte-parole de la police de la région de la Volta. "Nous sommes en état d'alerte pour protéger les frontières territoriales du Ghana".
Selon la police, le groupe avait non seulement préparé un hymne national, une constitution et un drapeau, mais il entraînait également une milice.
- "Tempête dans un verre d'eau" -
Une vidéo prise sur un téléphone portable montre M. Kudzordzi, qui fait partie des personnes arrêtées, s'appuyant lourdement sur un bâton de bois sculpté, conduit vers un hélicoptère militaire.
Il a été emmené au Bureau des enquêtes nationales du Ghana à Accra, avec sept autres hommes accusés de trahison et d'être les dirigeants du groupe. S'ils sont reconnus coupables, ils risquent la peine de mort.
Le vieux monsieur, - qui s'est vu offrir une mise en liberté sous caution mais n'a pu en remplir les conditions -, doit comparaître devant la justice avec les sept autres suspects le 22 mai.
En outre, 81 autres sympathisants ont été libérés sous caution, provisoirement accusés de rassemblement illégal.
Les séparatistes assurent que la région a son histoire, sa culture et qu'ils veulent avoir leur propre pays. Mais ils nient avoir jamais eu l'intention de recourir à la violence contre l'État ghanéen.
"Nos activités se sont toujours déroulées au grand jour", a déclaré à l'AFP le secrétaire, en fuite, de la HSGF, George Nyakpo.
La région de la Volta est aussi un bastion du principal parti d'opposition du Ghana, le National Democratic Congress (NDC) et un député local du NDC, Rockson-Nelson Dafeamekpor, a accusé la police d'avoir eu la main lourde.
"Nous sommes dans un Etat démocratique et on n'arrête pas les gens parce qu'on pense qu'ils ont l'intention de manifester", a déclaré M. Dafeamekpor. "C'est une tempête dans un verre d'eau", a-t-il ajouté.
Le problème trouve ses racines dans les divisions de l'époque coloniale.
La Grande-Bretagne s'était emparée d'une grande partie du Ghana actuel tandis que l'Allemagne prenait des terres à l'est, le Togoland. Après la défaite des Allemands lors de la Première Guerre mondiale, les colonies allemandes en Afrique ont été enlevées au perdant et réparties entre les nations victorieuses. Ainsi, le Togoland a été divisé entre la Grande-Bretagne et la France.
A la fin de l'empire britannique en 1956, le Ghana a été parmi les premiers à obtenir la liberté. Les habitants du Togoland britannique ont obtenu le droit de choisir de rejoindre le Ghana à l'ouest ou le Togo à l'est. La Grande-Bretagne affirme que près des deux tiers des votants ont voté pour le Ghana. Mais les séparatistes rétorquent que les résultats ont été truqués.
"C'est un stratagème de la Grande-Bretagne qui nous a privés de notre autonomie et de notre souveraineté", a déclaré le groupe HGSF l'année dernière.
- Plus grand que la Belgique -
Le territoire du Togoland occidental voulu par les séparatistes est situé entre la République du Togo et le Ghana, région peuplée de millions d'habitants et potentiellement riche en pétrole et or.
La région abrite de nombreuses ethnies, dont les Ewe, leurs terres s'étendent à la fois au Ghana et au Togo. Pour les séparatistes, le territoire forme une bande de 550 km sur 60 allant de la frontière nord avec le Burkina Faso au golfe de Guinée.
Selon des documents de l'ONU datant de 1955, la région s'étend sur 33.776 km2, légèrement plus que la Belgique. Bien que la zone coloniale ait été enclavée, les séparatistes revendiquent aujourd'hui l'accès à la mer.
Les historiens contestent bon nombre des revendications des séparatistes, y compris le fait qu'en 1956 on leur aurait promis un autre référendum.
"Ce n'est pas vrai ", dit le professeur Wilson Yayoh de l'Université de Cape Coast, au Ghana. "Il n'y a eu aucun accord sur le fait qu'après 50 ans, le peuple togolais devrait revoir le plébiscite".
Les indépendantistes se vantent d'un large soutien mais, dans la Volta, beaucoup se méfient.
"Le Ghana est notre patrie". "Nous ne faisons pas confiance à ces gens de la HSGF", déclare Joseph Doe, un pêcheur de 57 ans qui les accuse de défendre "leurs intérêts de clocher".
Pour autant, Accra semble plus sensible que jamais à la question du séparatisme.
Avec AFP