Une pétition, des manifestations programmées dans plusieurs villes, des députés qui se pincent le nez et une Première ministre sous le feu des critiques : l'euphorie est vite retombée au Royaume-Uni après la fierté d'avoir vu Theresa May devenir le premier dirigeant étranger à être reçu à Washington, vendredi.
Le refus, dans un premier temps samedi, de la cheffe du gouvernement conservateur de critiquer le décret anti-immigration de Donald Trump a déclenché un torrent de protestations qui ne donnait aucun signe de tarissement.
Un communiqué de Downing Street a bien rectifié le tir dans la nuit de samedi à dimanche. Mais pour beaucoup, le mal était déjà fait et Mme May continue à être accusée jusque dans son propre camp de sacrifier les droits de l'Homme au profit de la "relation spéciale" entre Londres et Washington.
Le fait que le Royaume-Uni ait obtenu depuis une exemption pour ses ressortissants naturalisés et les binationaux, tels que le champion olympique Mo Farah, n'a pas suffi à étouffer la polémique. Surtout que la confusion continuait à régner avec un avis contraire sur le site internet de l'ambassade des Etats-Unis...
'Pas le bienvenu'
"Vous n'êtes pas le bienvenu, M. le Président", titrait le Daily Mirror (gauche) en lettres capitales sur sa Une.
Les critiques se focalisaient lundi sur la perspective de la visite d'Etat de Donald Trump au Royaume-Uni, prévue pour "plus tard cette année".
"Une invitation a été transmise et elle a été acceptée", a souligné Downing Street, insistant sur le fait que la position du gouvernement britannique n'avait pas bougé. Bien au contraire : un nouveau communiqué lundi après-midi affirmait que Mme May avait été "très heureuse" de transmettre l'invitation de la reine.
Reste que le parti travailliste, les libéraux-démocrates et le parti national écossais SNP ont tous réclamé que la visite d'Etat soit annulée. Ils ont été confortés par le succès de la pétition contre Donald Trump, mise en circulation avant le décret mais qui n'avait recueilli jusqu'à samedi que 60 signatures. Le fait qu'elle a dépassé les 100.000 signatures signifie qu'elle sera débattue au Parlement.
Réalisme oblige, il ne s'agit pas d'interdire le territoire britannique au président des Etats-Unis, dont la mère est d'origine écossaise. Mais de transformer son premier voyage en simple visite sans l'appellation d'"Etat".
Très codifiée, une visite d'Etat s'entoure d'un faste particulier qui comprend un défilé en carrosse, un discours sous les ors du Parlement de Westminster et surtout un banquet officiel au palais de Buckingham avec la reine Elizabeth II.
"Misogynie et vulgarité"
Selon le texte de la pétition, cela risquerait d'"être embarrassant" pour Elizabeth II. "La misogynie notoire de Donald Trump et sa vulgarité le disqualifient pour être reçu par Sa Majesté la reine et le prince de Galles", son fils, ajoute la pétition.
Il s'agit d'ores et déjà de la deuxième pétition la plus populaire de tous les temps sur le site du Parlement après celle réclamant un deuxième référendum sur le Brexit, signée par plus de quatre millions de personnes.
La perspective d'une poignée de main entre Donald Trump et la reine hérisse également plus d'un député, y compris au sein de la majorité gouvernementale.
"Voir nos gouvernants se courber devant un homme défendant des valeurs qui ne correspondent pas à nos valeurs britanniques enverrait un signal très négatif", a tranché l'ancienne ministre conservatrice Sayeeda Warsi.
Le leader de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn estime que "Theresa May laisserait tomber le peuple britannique si elle ne reporte pas la visite d'Etat".
"Suis-je le seul à trouver insupportable l'idée que notre Première ministre pousse, pour des raisons politiques erronées, CET HOMME dans les bras de notre reine ?", s'est offusqué sur Twitter Paddy Ashdown, l'ancien leader des Lib-Dems.
Le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, était attendu lundi à partir de 16h15 GMT au Parlement pour défendre la position du gouvernement.
Avec AFP