Le Kenya s'approchait lundi de l'annonce des résultats d'une élection présidentielle à forts enjeux et très serrée, après six jours d'attente qui ont mis à rude épreuve la patience de la population.
Lundi à la mi-journée, le centre national de comptage de la Commission électorale indépendante (IEBC), sur lequel les yeux de tout le pays sont rivés, se remplissait de représentants des partis, observateurs et diplomates. La commission a invité la presse à 15h00 (locales, 12h00 GMT) pour l'annonce des résultats de la présidentielle
Selon le décompte du Daily Nation, plus important quotidien du pays, citant les données officielles de 80% des circonscriptions, William Ruto, vice-président sortant menait lundi matin avec un peu plus de 51% des voix, contre environ 48% pour Raila Odinga, vétéran de l'opposition désormais soutenu par le pouvoir.
"Je suis prêt quel que soit le résultat. Que ce soit Ruto ou Raila, nous devons avancer, nous avons attendu trop longtemps", a affirmé dans le centre financier de Nairobi Livingstone Wabwire, un cireur de chaussures de 27 ans.
Dimanche, en se rendant dans des églises de Nairobi, capitale de ce pays très croyant, MM. Ruto et Odinga ont tous deux appelé au calme malgré la fébrilité qui pointe au sein de leur coalition respective.
Le Kenya est un point d'ancrage démocratique dans une région est-africaine troublée, mais il a connu plusieurs phases de violences post-électorales, parfois très meurtrières, notamment en 2007-2008 (plus de 1.100 morts, des centaines de milliers de déplacés).
Les résultats de toutes les présidentielles y ont par ailleurs été contestés depuis 2002, dans la rue ou devant la justice.
Calme et abstention
Quelques 22,1 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes le 9 août pour désigner le successeur du président sortant Uhuru Kenyatta, ainsi que leurs gouverneurs, parlementaires et quelque 1.500 élus locaux.
A 55 ans, l'ambitieux William Ruto a malgré son statut de vice-président fait figure de challenger durant la campagne électorale, face à un Raila Odinga, 77 ans, soutenu par Kenyatta et le parti présidentiel.
Le scrutin s'est très largement déroulé dans le calme, mais a été marqué par une forte hausse de l'abstention, avec une participation d'environ 65% - contre 78% en août 2017 -, sur fond de désillusion envers la classe politique et de flambée du coût de la vie depuis la pandémie et la guerre en Ukraine.
Les résultats des scrutins parlementaires et locaux tombent au compte-gouttes et ne laissent pas présager quel camp en ravira la majorité. La ville de Nairobi, métropole dynamique et cœur économique du pays, a elle déjà nommé à sa tête Johnson Sakaja, du parti de Ruto, l'UDA (United Democratic Alliance).
Pour la présidentielle, le suspense est maximal. En plus des deux grands favoris, deux "petits" candidats concouraient : l'avocat David Mwaure, et l'excentrique ancien espion George Wajackoyah. Ces derniers sont crédités à eux deux de moins de 1% des voix.
Si ni Ruto ni Odinga ne recueille plus de 50% des vote plus une voix, ainsi que 25% des voix dans la moitié des 47 comtés, le Kenya connaîtra pour la première fois un second tour.
"L'anxiété du public atteint sa limite alors que le pays attend l'annonce du vainqueur", écrit le quotidien The Star lundi, notant que cette attente a été marquée par la patience et l'absence d'incidents. "Il s'agit d'un signe fort du fait que le Kenya a mûri en tant que démocratie", ajoute le journal.
Le pays, locomotive économique de la région, scruté par ses voisins, tourne au ralenti depuis le scrutin et ses écoles restent fermées.
La Commission électorale, qui a jusqu'à mardi soir pour annoncer l'ensemble des résultats, est donc sous pression. Elle fut vivement critiquée il y a cinq ans après l'invalidation de la présidentielle par la Cour suprême - une première en Afrique.
Vendredi, elle a reconnu que les opérations de collecte, comptage et vérification des résultats étaient plus longues que prévu, ralenties, selon elle, par l'interférence de partisans des partis politiques.