Ce retour est l'épilogue d'un vaste processus entamé il y a une dizaine d'années, lancé publiquement par le roi Mohammed VI en juillet 2016, formalisé en septembre auprès de l'UA et qui mobilise depuis lors tout l'appareil d'Etat marocain.
En six mois, le souverain a enchaîné les tournées diplomatiques sur le continent où il n'a eu de cesse de proclamer son engagement envers ses "frères" africains.
Promesse de méga-contrats, d'oeuvrer à "la paix et à la sécurité", de nouvelle "coopération sud-sud", de "développement durable"... le Maroc a déployé les grands moyens pour convaincre de sa vocation sub-saharienne et de la nécessité de "retrouver sa place au sein de sa famille institutionnelle continentale".
Rabat avait quitté l'OUA, ancêtre de l'UA, en 1984 pour protester contre l'admission de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée par le Front Polisario au Sahara occidental, ex-colonie espagnole que Rabat contrôle et considère comme partie intégrante de son territoire.
La politique de la chaise vide a montré son inefficacité sur cette question. Qui plus est alors que l'UA est devenue désormais "incontournable sur le continent et sur la scène internationale", souligne Gilles Yabi, analyste politique, à la tête du laboratoire d'idées citoyen Wathi.
Pour son retour, le Maroc a déployé "une vision de longue durée" qui lui permis "de se positionner comme un acteur important non seulement avec l'Europe, mais aussi en Afrique sub-saharienne", ajoute cet expert.
Sur le front intérieur, une nouvelle campagne de régularisation de migrants -venus pour la plupart d'Afrique noire- a été lancée mi-décembre, très opportunément au moment où le voisin et grand rival algérien expulsait des clandestins à tour de bras.
Pour "cause d'intérêt national", l'interminable crise politique qui dure depuis trois mois pour former la nouvelle coalition gouvernementale a même été mise entre parenthèses afin que le parlement ratifie en urgence l'acte constitutif de l'UA.
- Bras de fer avec Alger -
Le rapport de force au Sahara, où le statu quo prévaut depuis des années, a évolué plutôt en faveur du Maroc, qui joue de la politique du fait accompli. Avec en face, un Polisario en plein doute depuis la mort de son chef historique Mohamed Abdelaziz en mai 2016.
Le Maroc ne met plus aujourd'hui aucune condition à son retour au sein de l'UA, et notamment pas l'expulsion de la RASD. Il se targue du soutien d'une quarantaine de pays (sur 54), et souligne son strict respect de la procédure d'adhésion, tout en affichant "sa confiance et sa sérénité", selon les mots du ministre des Affaires étrangères Salahedinne Mekouar.
Le gros chèque sans doute promis par Rabat - sixième puissance économique du continent- devrait contribuer à ce retour au sein de l'organisation, toujours à cours d'argent frais.
Mais le royaume "anticipe en même temps les obstacles que certaines parties tentent de dresser pour entraver l'initiative marocaine, voire la reporter", a prévenu l'agence officielle MAP.
Et des obstacles, il y en aura sûrement à Addis Abeba. "L'Algérie et l'Afrique du Sud font un fort lobbying contre le retour du Maroc", note Liesl Louw, analyste pour l'Institute for Security Studies (ISS).
"La présidente de la Commission de l'UA, la Sud-africaine Nkosazana Dlamini Zuma, a été ouvertement accusée par Rabat de vouloir saboter son retour", rappelle Mme Louw, pointant les zones d'ombre et interprétations diverses autour du processus, "assez technique".
Le bras de fer entre Alger et Rabat s'annonce déjà comme une ligne de fracture clé du sommet, notamment pour trouver un remplaçant à Mme Zuma.
A terme, il pourrait affecter le fonctionnement de l'organisation panafricaine, au sein de laquelle le Maroc n'entend pas faire de la figuration.
Il ne fait "aucun doute", selon la presse marocaine, "que l'objectif à moyen, voire à court terme, est d'obtenir l'exclusion du Polisario". Lequel pourrait être tenté de son côté de jouer la carte d'incidents armés au Sahara, et perturber ainsi le scénario imaginé à Rabat.
Avec AFP