"Quel que soit le vainqueur, la victoire appartiendra au peuple nigérien. C'est un jour spécial pour le Niger qui va connaitre pour la première fois de son histoire une alternance démocratique", a souligné le président sortant Mahamadou Issoufou après avoir voté à l'hôtel de ville de Niamey.
7,4 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes (sur 23 millions d’habitants). Les résultats ne seront pas connus avant plusieurs jours alors que le dépouillement avait commencé dans des bureaux de Niamey en début de soirée.
Aucun "incident grave" n'avait été recensé dans le pays par la Céni dans la soirée. Les premières estimations nationales pour la présidentielle sont attendues lundi, et les résultats espérés mercredi ou jeudi, selon une source à la commission électorale.
M. Issoufou, 68 ans, ne se représentait pas à l'issue de ses deux mandats constitutionnels, contrairement à de nombreux chefs d'Etat africains qui s'accrochent au pouvoir. Ce sera la première fois que deux présidents élus se succèdent dans ce pays à l'histoire jalonnée de coups d'Etat depuis son indépendance en 1960.
Basoum vise la victoire au 1er tour
Ancien opposant, M. Issoufou a rappelé que c'était la première élection dans son pays à laquelle il ne participait pas depuis 30 ans.
Après dix ans au pouvoir, il espère passer le témoin à son bras droit Mohamed Bazoum, 60 ans, grand favori du scrutin, pour lequel 30 candidats au total étaient en lice.
"Je demande aux militants de sortir encore plus nombreux pour assurer notre victoire, comme (pour les élections municipales et régionales) le 13 décembre", a dit l'ancien ministre de l'Intérieur, qui vise un succès dès le premier tour à ce scrutin présidentiel couplé à des législatives.
M. Bazoum, qui a bénéficié de la machine électorale de son parti et de l'Etat, a promis de mettre l'accent sur la sécurité et l'éducation, notamment des jeunes filles, dans ce pays qui détient le record mondial de fécondité (7,6 enfants par femme).
"Une élection à un seul tour n'est pas possible. Ils (les gens du pouvoir) savent très bien que l'état de santé de leur parti et le niveau de frustration des Nigériens empêchent toute perspective de faire 'un coup KO'. Il y aura un second tour" le 20 février 2021, a affirmé par téléphone à l'AFP l'ancien ministre des Affaires étrangères Ibrahim Yacouba après avoir voté dans son village de Birnin-Lokoyo (Sud-Ouest).
"Cette campagne a été massivement corrompue par l'argent du parti au pouvoir. Ce processus corrompu peut impacter les résultats", a-t-il dénoncé.
"Le pays doit émerger" -
Dans le bureau Cité Député de Niamey, des opposants ont font part de "l'achat de consciences". "Tu appelles un numéro. Tu dois jurer sur le Coran que tu as voté pour Taraya (PNDS, parti au pouvoir) et on te fait un transfert de 1.000 F CFA", soit 1,5 euro, accuse l'un d'entre eux, sous couvent de l'anonymat.
Au quartier Dar-Es-Salam, Saddam Mani Kane, chauffeur de taxi, a voté pour Basoum: "Avant c'était coup d'Etat sur coup d'Etat, maintenant la démocratie va continuer. Il faut qu'il continue la politique" d'Issoufou.
Issaka Soumana, chauffeur routier, 52 ans, lui veut "que ça change. Le Niger ne va pas, notre pays doit émerger", a-t-il lancé en brandissant son pouce taché d'encre, preuve qu'il a déjà voté.
Un connaisseur de la politique nigérienne souligne l'absence de renouvellement de la classe politique.
Deux anciens présidents, Mahamane Ousmane et Salou Djibo, deux anciens Premiers ministres, Seini Oumarou et Albadé Abouba, et sept ex-ministres figurent parmi les candidats, pour une moyenne d'âge de plus de 60 ans, dans un pays où elle se situe autour de 16 ans.
Un des principaux défis du prochain président sera de juguler les attaques jihadistes qui ont fait des centaines de morts depuis 2010, et fait fuir de leurs foyers environ 500.000 réfugiés et déplacés, selon l'ONU.
Deux attaques meurtrières ont été perpétrées à l'approche du scrutin, une (7 soldats tués le 21 décembre) dans l'Ouest où sévit l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), et une autre dans l'Est, revendiquée par les jihadistes nigérians de Boko Haram (34 morts le 12 décembre).