M. Abiy, 42 ans et issu de l'ethnie oromo à l'origine d'un mouvement de contestation antigouvernementale sans précédent depuis la prise du pouvoir par l'actuel régime en 1991, a été désigné fin mars par la coalition au pouvoir pour prendre la tête de l'exécutif éthiopien.
Lundi, sans surprise, il a été officiellement investi par le Parlement, totalement contrôlé par le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), et son prédécesseur démissionnaire, Hailemariam Desalegn lui a symboliquement remis le drapeau national et la constitution du pays, sous les applaudissements des députés.
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"Aux Ethiopiens qui vivent à l'étranger et aux Ethiopiens qui vivent ici, nous devons nous pardonner les uns les autres du fond du coeur", a-t-il déclaré dans son premier discours devant le Parlement.
M. Hailemariam avait créé la surprise dans le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique en démissionnant le 15 février et en évoquant alors la nécessité de réformes face au mouvement de protestation débuté fin 2015, dont la répression par les forces de sécurité a fait au moins 940 morts.
Faisant références aux personnes blessées ou emprisonnées lors des manifestations, M. Abiy a déclaré: "je demande pardon du fond du coeur".
Le pouvoir avait dès le lendemain de la démission de M. Hailemariam réinstauré l'état d'urgence, pendant lequel plus de 1.100 personnes ont été arrêtées, y compris des membres de l'opposition libérés quelques mois plus tôt à la faveur d'une amnistie de masse.
Désormais, "nous ne vous considèrerons plus comme des ennemis, nous vous verrons comme des frères", a déclaré M Abiy à l'adresse de ces opposants.
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Le nouveau Premier ministre n'a toutefois pas indiqué lundi s'il comptait lever l'état d'urgence, une mesure qui, pour beaucoup de dissidents, traduirait dans les faits ses déclarations d'apaisement.
Main tendue à l'Erythrée
"Nous ouvrons un nouveau chapitre avec cette transition pacifique. C'est un jour historique", a estimé M. Abiy.
De nombreux Éthiopiens, et en particulier les Oromo, qui de longue date s'estiment marginalisés, espèrent qu'il saura modifier le mode de gouvernement très autoritaire pratiqué par l'EPRDF.
Ancien ministre des Sciences et des technologies après avoir fait carrière au sein des services de sécurité, M. Abiy est le premier Premier ministre oromo depuis l'arrivée au pouvoir de l'EPRDF.
Le mouvement de protestation avait débuté fin 2015 en région oromo (sud et ouest), puis s'était étendu courant 2016 à d'autres régions, dont celle des Amhara (nord), la deuxième ethnie du pays.
Ces manifestations étaient avant tout l'expression d'une frustration des Oromo et des Amhara, qui représentent 60% de la population, face à ce qu'ils perçoivent comme une sur-représentation de la minorité des Tigréens au sein de l'EPRDF. Elles étaient également porteuses de revendications d'une jeunesse avide de plus de libertés individuelles.
Un premier état d'urgence instauré entre octobre 2016 et août 2017 avait ramené, au prix de milliers d'arrestations, un calme relatif dans le pays. Mais Oromo et Amhara ont continué à montrer leur mécontentement au cours de manifestations ponctuelles.
Dans son discours très attendu, M. Abiy a également tendu la main au voisin et ennemi juré érythréen.
"Pour le bien commun de nos deux pays, pas seulement pour notre avantage mais pour celui des deux nations liées par le sang, nous sommes prêts à résoudre nos divergences par la discussion", a appelé le Premier ministre.
"Nous invitons le gouvernement érythréen à montrer les mêmes sentiments", a-t-il ajouté.
Un conflit armé meurtrier, portant notamment sur la délimitation de la frontière commune, a opposé les deux pays entre 1998 et 2000, faisant 80.000 morts. Indépendante de fait depuis 1991, l'Erythrée avait proclamé son indépendance de l'Ethiopie en 1993.
Avec AFP