"Avec vous ici, je me sens chez moi, aux pieds de notre mère, la Vierge miraculeuse de Caacupé", a déclaré le pape à la foule, dont seulement la moitié avait pu prendre place sur l'esplanade devant la basilique. Une clameur s'est élevée lorsqu'il a prononcé le "Notre-Père" en guarani, la langue des indiens du Paraguay, parlée par 80% de la population.
Dans le sanctuaire, le souverain pontife de 78 ans a dit son admiration pour le rôle historique des femmes au Paraguay, nation quasiment privée de sa population active masculine il y a 150 ans après une guerre contre ses voisins brésilien et argentin.
"Vous les femmes et les mères paraguayennes, qui avec grand courage et abnégation, avez su relever un pays détruit, effondré, submergé par la guerre. Vous avez la mémoire, le patrimoine génétique de celles qui ont reconstruit la vie, la foi, la dignité de votre peuple", a-t-il lancé lors de son homélie à Caacupé.
Sur l'esplanade devant la basilique de Caacupé, avant et après la messe, des fidèles jouaient de la guitare, des maracas, d'autres chantaient des cantiques ou des chansons contemporaines, en sirotant un teréré, le thé que dégustent les Paraguayens à tout moment de la journée.
Certains avaient pris position dès vendredi soir, dormant sur place.
-La leçon des enfants-
Des milliers d'Argentins et de Brésiliens étaient venu en voisins, parfois après 50 heures de voyage en autocar.
"Le pape a une force d'attraction inexplicable, comme un aimant", confie Graciela Sosa, qui n'a pratiquement pas dormi de la nuit pour être aux premières loges.
"Je me considère privilégié. Je peux dire à mes enfants que j'ai vu deux papes", témoigne, hilare, Ernesto Domínguez, un avocat de 50 ans, membre d'un choeur qui avait chanté lors de la visite en 1988 de Jean Paul II.
Avant la messe à Caacupé, le pape s'était rendu auprès d'enfants atteints de cancer à l'hôpital pédiatrique Niños de Acosta Ñu, à Asuncion. "Nous devons apprendre de vous", a-t-il dit ajoutant "vous êtes de vrais lutteurs ! Et quand on a de pareils +guerriers+ devant soi, on se sent orgueilleux".
Il a ensuite transmis un message d'encouragement aux familles, soulignant les "moments de forte angoisse qui accablent le coeur et les moments de grande joie. Les deux sentiments cohabitent, ils sont en nous. Mais il n'y a pas de meilleur remède que votre tendresse, votre proximité".
La majorité des mouvements politiques ou paysans ont suspendu leur revendications pendant la visite du pape, mais l'organisation Somos gay (Nous sommes homosexuels, ndlr) avait placé des pancartes sur l'itinéraire du pape à Caacupé certaines reprenant sa phrase emblématique "Qui suis-je pour les juger?".
François devait rencontrer dans la journée des membres de la société civile, dont un représentant de Somos Gay, et dire une messe à la cathédrale d'Asuncion.
Corruption, trafic de drogue, émigration économique, inégalités, racisme, difficultés de réinsertion des ex-détenus, le pape a relevé depuis dimanche les fléaux qui affectent l'Amérique latine.
Depuis le début de sa visite qui l'a d'abord conduit en Equateur et en Bolivie, François a plaidé sans relâche pour que "l'économie soit aux services des peuples", prônant "un changement réel". Il a également demandé pardon pour les "crimes contre les peuples autochtones" et n'a pas hésité à sermonner le clergé qui peut parfois se transformer en "caste", une élite déconnectée du peuple.
Il a rappelé la "dette" de l'Amérique latine, région la plus inégalitaire de la planète, envers "les plus fragiles et les plus vulnérables".
Le premier pape jésuite et latino-américain de l'histoire doit achever dimanche son voyage sud-américain après des escales en Equateur et en Bolivie.
Avec AFP