"Je vais à ce procès très confiant parce que je ne suis pas un trafiquant d'êtres humains. Je n'allais pas trafiquer avec mon propre enfant", a dit Ali Ouattara, avant de comparaître devant un tribunal de Ceuta, enclave espagnole au Maroc.
Le 7 mai 2015, une jeune Marocaine y avait attiré l'attention des gardes civils en traînant une valise pesante au poste-frontière.
Passant le bagage aux rayons X, les agents avaient découvert, stupéfaits, la silhouette d'un enfant recroquevillé en position fœtale: du jamais vu sur un écran scanner à Ceuta, une des deux frontières terrestres entre l'Afrique et l'Europe.
"Je m'appelle Adou", leur avait dit le garçon en français, selon le journaliste espagnol Nicolas Castellano, qui a consacré un livre à cette histoire.
"La grande question, c'est: que se passe-t-il dans la législation espagnole sur le regroupement familial qui pousse à recourir à des voies aussi désespérées?", avait commenté la responsable du service des mineurs de la ville de Ceuta, Antonia Palomo, citée dans le livre.
Le parquet réclame trois ans d'emprisonnement à l'encontre d'Ali Ouattara pour avoir facilité l'entrée irrégulière en Europe de son enfant en mettant sa vie en danger.
Adou est arrivé sain et sauf en Espagne, où il rêvait de rejoindre ses parents.
Trois mois plus tard, en août 2015, un Marocain de 27 ans est mort asphyxié dans une autre valise placée dans le coffre d'une voiture, sur un ferry reliant Melilla - l'autre enclave espagnole au Maroc - au sud de l'Espagne.
Arrivé par la mer
Peu après le passage de son fils, Ali Ouattara avait été arrêté au même poste-frontière de Ceuta, où il comptait le récupérer.
Depuis, il explique avoir été "trompé" par le réseau de passeurs auquel il avait versé 5.000 euros et n'avoir jamais su que l'enfant serait caché dans une valise.
Les passeurs avaient promis d'amener le mineur "par avion" d'Abidjan à Madrid avant d'annoncer qu'il passerait "en voiture" par Ceuta, selon lui.
"Pour nous, c'était une obligation que l'enfant vienne coûte que coûte: on ne pouvait pas vivre sans lui, on y pensait sans arrêt", répète Ali. "Et s'il restait en Côte d'Ivoire, il n'avait plus personne pour s'occuper de lui après la mort de sa grand-mère".
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Ex-professeur de philosophie et de français à Abidjan, Ali est arrivé clandestinement en Espagne en 2006 à bord d'une embarcation de fortune pleine d'Africains.
Cette année encore, au moins 86 migrants sont morts depuis le 1er janvier en Méditerranée en tentant de gagner l'Espagne, selon l'Organisation internationale pour les migrations.
Ayant quitté la Côte d'Ivoire en pleine crise, le père de "l'enfant de la valise" mit des années à obtenir un titre de séjour, un emploi stable et un logement aux Canaries, avant de réussir à faire venir légalement sa femme et leur fille. Mais pas son fils Adou, parce qu'il lui manquait "56 euros par mois" pour atteindre les revenus exigés.
"L'administration espagnole m'avait refusé quatre fois sa venue", plaide-t-il. "Je gagnais plus de 1.300 euros, dans une laverie mais ils disaient que ce n'était pas suffisant".
Écroué durant un mois en 2015, Ali vit dans le nord de l'Espagne, avec interdiction de quitter le pays.
Sa femme, leur fille et Adou résident en France dans l'attente de la décision de justice espagnole.
L'enfant devrait revenir à Ceuta pour le procès.
"J'aurais préféré qu'il reste en marge, c'est un sujet dont il ne veut pas parler, aucun d'entre nous n'a vraiment accepté cette histoire, un trou noir dans notre parcours", dit le père qui assure n'avoir qu'un souhait : "Que toute la famille puisse vivre ensemble".
Avec AFP