Que se passe-t-il ?
Selon des témoins, un convoi de véhicules militaires a été vu mardi près d'Harare et des coups de feu entendus dans la nuit près de la résidence privée de Robert Mugabe, 93 ans, qui dirige le Zimbabwe d'une main de fer depuis son indépendance en 1980.
Mercredi matin, des blindés de l'armée contrôlaient les accès au Parlement, au siège du parti au pouvoir la Zanu-PF et aux bureaux dans lesquels le chef de l'Etat réunit généralement ses ministres. Pour le reste, l'activité était proche de la normale dans la capitale, selon des journalistes de l'AFP.
En pleine nuit, un haut responsable militaire a expliqué lors d'une allocution diffusée par la télévision nationale que l'armée était intervenue pour éliminer les "criminels" de l'entourage du président, mais qu'elle ne voulait pas "renverser le gouvernement".
"Ce n'est pas un coup d'Etat militaire contre le gouvernement", a martelé le général Sibusiso Moyo.
Où est le président Mugabe ?
Le chef de l'Etat s'est entretenu mercredi par téléphone avec son homologue sud-africain Jacob Zuma, à qui il a assuré être retenu prisonnier à son domicile de la capitale. Il a ajouté qu'il allait bien.
Dans la nuit, le général Moyo avait assuré que le chef de l'Etat et sa famille étaient "sains et saufs" et que leur sécurité était "garantie", sans donner plus de détails.
Aucun détail n'a été donné sur la situation de son épouse Grace.
Sa succession en arrière-fond
Malgré son grand âge et une santé fragile, Robert Mugabe a été investi par la Zanu-PF pour briguer un nouveau mandat lors des élections de 2018. En coulisses, la lutte pour sa succession fait rage depuis des mois.
Emmerson Mnangagwa, 75 ans, ex-patron des redoutés services secrets du pays, faisait figure de dauphin naturel depuis son accession à la vice-présidence du Zimbabwe en 2014.
Ses ambitions ont toutefois buté sur celles de la Première dame Grace Mugabe, 52 ans, connue pour ses accès de colère et son goût pour le luxe. La semaine dernière, il a été démis de ses fonctions à la suite d'un bras de fer avec la deuxième femme du président et a affirmé avoir dû s'exiler.
M. Mnangagwa, un des chefs de la lutte pour l'indépendance du Zimbabwe, dispose de nombreux soutiens chez les militaires.
Défiant pour la première fois l'autorité présidentielle, le chef de l'armée, le général Constantino Chiwenga, a vivement dénoncé lundi son éviction et prévenu que les militaires pourraient "intervenir" si la "purge" ne cessait pas au sein de la Zanu-PF.
Grace Mugabe, qui dirige la puissante Ligue des femmes de la Zanu-PF, peut elle s'appuyer sur un groupe de jeunes militants radicaux du parti surnommés "Génération 40" ou "G40", qui ne se sont pas encore prononcés sur la crise en cours.
Les réactions internationales
Le chef de l'Etat guinéen Alpha Condé, président en exercice de l'Union africaine (UA), a dénoncé "ce qui apparaît comme un coup d'Etat" au Zimbabwe et sommé les militaires de "se soumettre à la légalité constitutionnelle" au plus vite.
Son homologue sud-africain Jacob Zuma, un fidèle soutien de Robert Mugabe, s'est lui aussi prononcé mercredi contre tout changement de régime "inconstitutionnel" chez son voisin. "Très préoccupé", il a dépêché deux envoyés spéciaux pour rencontrer le président Mugabe et les forces armées.
Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale au Zimbabwe, a appelé "au calme et à la retenue", devant le Parlement. "Nous ne savons pas comment la situation va évoluer dans les jours qui viennent ni si cela marque la chute de Mugabe ou non".
L'Union européenne s'est dite préoccupée par la situation au Zimbabwe en appelant au "dialogue" en vue d'une "résolution pacifique".
"Nous appelons toutes les parties concernées à passer de la confrontation au dialogue avec pour objectif une résolution pacifique", a déclaré cette porte-parole, Catherine Ray, lors d'un point presse de la Commission européenne.