Ces premiers résultats officiels du scrutin de samedi n'incluent pas les votes des forces de sécurité, des Irakiens de l'étranger et des déplacés, et leur prise en compte est encore susceptible de changer la donne.
Pour le moment, à la surprise générale, les deux mouvements en tête sont celui du chef nationaliste chiite Moqtada Sadr, qui s'est rapproché de l'Arabie saoudite au grand dam de Téhéran, et le Hachd al-Chaabi, des supplétifs de l'armée proches de l'Iran.
Ils ont tous deux adopté dans le passé une rhétorique hostile aux Etats-Unis, allant même jusqu'à les affronter militairement, avant de faire front commun avec eux pour bouter le groupe Etat islamique (EI) hors du pays.
Ces scores interviennent au moment même où les Etats-Unis et l'Iran sont à couteaux tirés après le retrait par le président américain Donald Trump de l'accord sur le nucléaire iranien.
En 2014, Washington et Téhéran s'étaient tacitement accordés sur le nom de Haider al-Abadi, écartant son rival au sein du parti Daawa, Nouri al-Maliki, dont le projet de revenir aux commandes a échoué.
Ni les Etats-Unis ni l'Iran n'ont jusqu'ici commenté ces résultats partiels.
- "Rejet de la corruption" -
L'alliance inédite du leader chiite Moqtada Sadr et des communistes sur un programme anticorruption ("La marche pour les réformes") arrive en tête dans six des 18 provinces, dont Bagdad, et en deuxième position dans quatre autres.
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Ses partisans, qui manifestent chaque semaine contre la corruption, se sont rassemblés dans la nuit dans le centre de Bagdad.
"La victoire de +La marche pour les réformes+ n'arrive pas par hasard, elle vient pour prouver le rejet de la corruption" au sein d'une classe politique inamovible depuis la chute en 2003 de Saddam Hussein, a affirmé à l'AFP Jabra al-Taï, candidate du mouvement.
Derrière, l'Alliance de la Conquête du Hachd al-Chaabi est en tête dans quatre provinces, dont Bassora, la grande ville du sud, et en deuxième position dans huit autres.
M. Abadi est devancé dans toutes les provinces à l'exception de celle de Ninive, dont le chef-lieu est Mossoul, ancienne "capitale" de l'EI dont il avait annoncé la "libération" mi-2017.
Dans un premier temps, différents responsables politiques avaient placé le Premier ministre sortant en tête, semblant indiquer qu'il conserverait son poste.
Cette possibilité existe toujours car le vote de près de 700.000 membres des forces de sécurité doit encore être dépouillé. De plus, dans un système calibré pour empêcher toute domination d'un parti, M. Abadi peut former une coalition gouvernementale qui lui garantirait un second mandat.
Durant la campagne, MM. Sadr et Abadi avaient laissé entendre qu'ils pourraient s'allier, alors qu'un accord entre les listes de MM. Abadi et Ameri a fait long feu en moins de 24 heures.
En fin d'après-midi, alors que la commission électorale a indiqué qu'elle annoncerait les résultats finaux en soirée, M. Abadi a, dans une allocution télévisée, salué "les listes gagnantes". Il a également appelé à "respecter les résultats", alors que dans la province multi-ethnique de Kirkouk, un recomptage des voix a été demandé.
Pour ce premier scrutin depuis la victoire sur l'EI, 44,52% des inscrits ont voté selon la commission électorale, la participation la plus basse depuis la chute de Saddam Hussein.
- Camouflet -
De façon générale, les électeurs ont infligé un camouflet à l'ensemble de la classe politique.
L'abstention a été telle qu'un candidat du Hachd est allé jusqu'à plaisanter sur le fait qu'il y avait "plus de participants pour décrocher les affiches de campagne (...) que pour voter".
"L'importante abstention résulte du fait que les politiques menées depuis 15 ans ne convainquent plus les électeurs", a souligné le politologue Amir al-Saadi.
"La plupart des programmes des partis politiques des législatures précédentes étaient très attrayants sur le papier, mais dans la pratique les promesses se sont envolées", a-t-il ajouté.
L'abstention a toutefois été moindre parmi les Kurdes et à Mossoul.
La liste du vice-président laïc Iyad Allawi, bien placée dans les régions sunnites, reste la première force représentant cette minorité.
Dans un pays où les jeunes représentent 60% de la population, ils ont été les grands absents du scrutin.
Avec AFP