A la veille d'une pause dans les pourparlers de paix entamés il y a dix jours à Genève, tous les yeux étaient rivés vers Moscou, où doivent se retrouver les parrains américain et russe du processus.
"Le processus diplomatique à Genève est interconnecté à celui qui prendra place à Moscou", a souligné dans un communiqué le Haut comité des négociations (HCN), une vaste coalition d'opposants syriens engagés dans des discussions indirectes avec le régime du président Bachar al-Assad.
Le secrétaire d'Etat américain John Kerry est attendu en milieu d'après-midi dans la capitale russe, où il doit s'entretenir avec le président Vladimir Poutine et le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov des efforts pour sortir la Syrie d'une guerre qui a déjà fait plus de 270.000 morts et des millions de réfugiés.
Le HCN a espéré "qu'un message fort soit envoyé au président Bachar al-Assad à l'issue de ce rendez-vous: il ne peut pas continuer à paralyser la transition politique que le peuple syrien demande."
De même, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a souhaité recevoir "l'aide de MM. Kerry et Lavrov". "Ils ont prouvé dans le passé - et j'espère qu'ils le referont à l'avenir - que, lorsqu'ils partagent les mêmes vues, cela aide énormément le processus", a-t-il ajouté, en référence à la trêve en vigueur depuis le 27 février en Syrie.
Cette trêve, qui tient plutôt bien, ne s'applique pas aux groupes jihadistes et le régime a lancé début mars une offensive pour reprendre la ville de Palmyre (centre) au groupe Etat islamique (EI).
Mercredi, les forces loyalistes, soutenues par l'aviation russe, se trouvaient à l'entrée de la "perle du désert", selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), une ONG qui dispose d'un large réseau de sources à travers la Syrie. "Les forces du régime sont désormais à deux km du côté sud de la ville et à 5 km du côté ouest", a indiqué à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH.
- 'Fausse lecture' -
Depuis sa prise de contrôle de Palmyre, il y a près d'un an, le groupe extrémiste y a détruit de nombreux trésors archéologiques comme le célèbre Arc de Triomphe, les temples de Bêl et de Baalshamin.
Cette bataille est capitale pour le régime car une prise de la zone de Palmyre lui permettrait de reprendre le désert syrien et de parvenir plus à l'est à la frontière avec l'Irak, contrôlée par les jihadistes.
En intervenant militairement en Syrie fin septembre, la Russie a déjà permis au président Assad de regagner une partie du terrain cédé à ses opposants. Mais, l'annonce-surprise du retrait de la majorité du contingent russe, il y a une dizaine de jours, a été perçue comme un signal envoyé au régime pour qu'il entre sérieusement dans les négociations à Genève.
"Si les Russes laissent tomber Bachar, il s'écroule", estime ainsi l'analyste Agnès Levallois, spécialiste du Moyen-Orient. "Sans aide extérieure, le régime n'aura plus les moyens de parader."
C'est une "fausse lecture", a toutefois déclaré dans un entretien à l'AFP le négociateur en chef du régime, Bachar al-Jaafari, pour qui les grandes puissances n'ont pas à interférer dans les discussions entre Syriens. "Quand nous disons que le dialogue est intersyrien sans intervention extérieure, cela s'applique aux Russes et aux Américains", a-t-il martelé.
Depuis son arrivée en Suisse, M. Jaafari n'a rien lâché sur le fond, et s'est vu reprocher par Staffan de Mistura de se contenter de déclarations de principe.
Selon la feuille de route fixée par l'ONU, les pourparlers de Genève doivent aboutir à la mise en place dans les six mois d'un "organe de transition", censé élaborer une nouvelle Constitution et organiser des élections d'ici 18 mois.
La vision de cet "organe" divise les deux camps: le régime envisage un gouvernement élargi à quelques membres de l'opposition. Celle-ci exige le départ préalable du président Assad et de réels pouvoirs.
Avec AFP