L'ex-président du Burkina Faso Roch Marc Christian Kaboré est "aux mains de l'armée" mais "va bien", a annoncé mercredi un cadre de son parti, deux jours après le coup d'Etat militaire qui l'a renversé et a été fermement condamné par la communauté internationale.
Pendant plusieurs heures lundi, le sort de M. Kaboré est resté dans le flou, des informations contradictoires circulant au sujet d'une arrestation, d'une exfiltration, voire même d'une "tentative d'assassinat".
Il est "toujours aux mains de l’armée", détenu "dans une villa présidentielle en résidence surveillée", a déclaré mercredi à l'AFP une source haut placée au sein de son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Elle a donné des nouvelles rassurantes: selon elle, M. Kaboré "va bien physiquement" et a "un médecin à sa disposition".
Des propos qui confirment des déclarations du président français Emmanuel Macron, qui avait dit la veille avoir eu confirmation "qu'il était en bonne santé et qu'il n'était pas menacé".
Peu avant l'annonce du putsch, le MPP avait dénoncé "une tentative avortée d'assassinat" du président burkinabè.
Selon la source au MPP, M. Kaboré "n'a pas été arrêté aux premières heures" de la révolte des soldats. Dans un premier temps, alors que "sa résidence privée" était "quadrillée par les mutins", sa "garde rapprochée" l'avait exfiltré "à bord d’un véhicule banalisé pour le mettre en lieu sûr".
"C’est plus tard, et sous la pression des mutins, que ses gardes - notamment des gendarmes - ont dû le laisser" entre les mains des putschistes "et se rallier à eux dans la foulée", a-t-elle dit, en soulignant que "la gendarmerie ne pouvait que se rallier car toute l’armée était consentante pour démettre le président de ses fonctions".
Mardi matin, des centaines de manifestants étaient descendus sur la place de la Nation, au coeur de Ouagadougou, pour soutenir les putschistes.
Roch Marc Christian Kaboré a été renversé par des militaires avec à leur tête un lieutenant-colonel, Paul-Henri Sandaogo Damiba, président d'une junte appelée Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR).
La junte a pris la tête d'un pays miné par la violence jihadiste depuis 2015 qui s'est intensifiée ces derniers mois, après deux jours de mutineries dans plusieurs casernes.
Le MPSR avait annoncé la dissolution ou suspension des institutions de la République, ainsi que la fermeture des frontières aériennes et terrestres.
Les frontières aériennes ont cependant été rouvertes dès mardi, de même que les frontières terrestres pour certains produits, ce qui semble indiquer que la junte ne craint pas un "contre-coup" et maîtrise les différents corps d’armée.
Condamnations tous azimuts
De source militaire, on indique que le lieutenant-colonel Damiba, un spécialiste de la lutte antijihadiste, devait rencontrer mercredi la hiérarchie de l'armée, ainsi que les secrétaires généraux pour évoquer l'expédition des affaires courantes dans l'attente d'un nouveau gouvernement.
La coup d'Etat au Burkina, qui survient après ceux du Mali et de Guinée, a été fermement condamné par la communauté internationale qui exige "la libération immédiate" du président renversé.
Mercredi, Josep Borrell, chargé de la politique extérieure de l'Union européenne, a averti que "si l'ordre constitutionnel n'est pas rétabli", cela aurait "des conséquences immédiates sur notre partenariat avec le pays".
Les condamnations viennent de la quasi-totalité des pays occidentaux, des voisins ouest-africains du Burkina Faso qui doivent se réunir en "sommet extraordinaire" dans les prochains jours, de l'Union africaine et de l'ONU.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a jugé que "les coups d'Etat militaires étaient inacceptables".
La seule voix discordante est venue de Moscou où l'homme d'affaires Evguéni Prigojine, réputé proche de Vladimir Poutine et soupçonné d'être lié à l'opaque groupe paramilitaire Wagner présent dans plusieurs pays africains, a salué le putsch comme le signe d'une "nouvelle ère de décolonisation" en Afrique.
Au Burkina, le principal parti d'opposition, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) proche de l'ancien président Blaise Compaoré chassé par la rue en 2014, n'avait pas encore réagi mercredi.
Seuls quelques petits partis ont condamné le coup d'Etat, hormis celui de Yéli Monique Kam. Unique femme candidate à la présidentielle de 2020 qui avait vu la réélection de Roch Marc Christian Kaboré pour un 2e mandat, elle a apporté son soutien "total" à la junte.
Les manifestations de colère de Burkinabè excédés par la violence jihadiste s'étaient multipliées ces derniers mois, accusant le président Kaboré d'être incapable d'y faire face.
Dans le sillage du Mali et du Niger voisins, le Burkina est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique qui ont fait en près de sept ans plus de 2.000 morts et contraint au moins 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.