Les électeurs du Togo, présidé depuis 2005 par Faure Gnassingbé, dont le père, le général Eyadéma Gnassingbé, avait dirigé ce petit pays d'Afrique de l'Ouest d'une main de fer pendant 38 ans, sont appelés à élire 1.527 conseillers municipaux.
"Le pouvoir a toujours refusé d'organiser les élections locales. Aujourd'hui, avec la pression de la communauté internationale, il se résout à les organiser", explique Eric Dupuy, porte-parole de l'Alliance nationale pour le changement (ANC), un des principaux parti de l'opposition.
Les 117 communes que compte le Togo et ses près de 8 millions d'habitants, estime l'opposant, "sont gérées de manière familiale: tout pour nous, rien pour le peuple. Dans certains coins du pays, il n'y a même pas d'eau potable".
Les 45 derniers conseillers municipaux avaient été élus en 1987 pour un mandat de cinq ans dans cinq arrondissements. "Mais les élections n'ont pu se tenir en 1992 en raison des crises politiques successives", explique le politologue Pascal Edoh Agbové.
Ils sont donc restés en poste jusqu'en 2001 et la mise en place à cette date de "délégations spéciales" composées de personnalités désignées par le pouvoir.
A l'origine chargées d'aider à l'organisation de nouvelles élections, ces structures, explique M. Agbové, n'ont pas organisé de nouveau scrutin, "car les crises se sont multipliées" et la "volonté politique" a manqué.
"Ces élections locales n'étaient pas la priorité des leaders du pouvoir et de l'opposition", avance le politologue. "Ils mettaient plutôt l'accent sur les élections présidentielles et législatives".
Espoir et limites
La gestion des communes par ces délégations spéciales est critiquée par bon nombre de Togolais.
"Il n'est plus question de laisser la voie libre au pouvoir", déclare ainsi Alice Doudji, commerçante au grand marché de Lomé.
"L'opposition doit enlever le maximum de communes, car les populations seront maintenant impliquées dans la gestion de leurs localités. Les délégations spéciales ont montré leurs limites", ajoute-t-elle alors que l'opposition espère remporter plusieurs mairies de la capitale Lomé et de rivaliser avec le parti au pouvoir, l'Union pour la République (UNIR), dans le centre.
Pour M. Agbové, "le régime a profité de la situation durant des années, car tout est contrôlé sur l'ensemble du pays. Après ces élections locales, le pouvoir n'aura plus la main mise totale sur certaines localités, qui seront dirigées par l'opposition".
"Beaucoup de choses vont changer dans la gestion des communautés à la base", espère l'expert. "Les citoyens seront désormais plus concernés par le développement de leurs communautés. Les besoins des populations seront pris en compte dans toutes les localités".
La campagne électorale, débutée le 14 juin et qui s'achève vendredi, s'est déroulée sans incident majeur.
Kossi Daflo, comptable dans un supermarché, soutient lui l'UNIR, même si "tout n'est pas rose". "Ces élections locales vont permettre aux prochains maires du parti au pouvoir de mettre en oeuvre l'ambitieux Plan de développement national (PND)", espère-t-il.
La majorité des partis d'opposition, qui avaient boycotté les législatives de 2018, ont présenté des listes aux élections locales.
Mais deux d'entre eux ont refusé: le Parti national panafricain (PNP), un parti important à l'origine de récentes manifestations contre le régime, dont le leader Tikpi Atchadam vit en exil, et le plus petit Parti des Togolais
Le PNP exige la libération de ses militants dont trois responsables écroués depuis mi-avril à la suite des manifestations.
Le PNP faisait parti de la coalition formée à l'été 2017. Des dizaines de milliers de personnes avaient ensuite déferlé dans les rues de Lomé et d'autres villes pour demander, notamment, la démission de Faure Gnassingbé.
Cette mobilisation exceptionnelle a cependant perdu en intensité au fil des mois, et aujourd'hui, plusieurs autres partis ont claqué la porte de la coalition et vont en ordre dispersé aux élections locales.
Les forces armées et de sécurité votent vendredi afin de pouvoir être déployées dans le pays dimanche - environ 8.000 gendarmes et policiers seront alors mobilisés.