Les Birmans ont participé, dimanche 8 novembre, en masse et dans le calme aux premières élections libres du pays en 25 ans pour lesquelles l'opposante Aung San Suu Kyi est donnée favorite après des années de dissidence.
Aucun résultat définitif ne sera annoncé avant plusieurs jours, dans ce pays pauvre à l'administration défaillante, sans tradition électorale.
Les bureaux de vote ont fermé à l'heure prévue, en fin d'après-midi, et la commission électorale a annoncé une participation de 80 %, selon les premières estimations.
Toute l'attention médiatique était tournée vers celle qui a passé plus de 15 ans en résidence surveillée et vote elle-même, à 70 ans, pour la deuxième fois dans son propre pays.
Vêtue de rouge, couleur de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), Aung San Suu Kyi a déposé son bulletin dans l'urne en début de matinée dans une école du centre de Rangoun, cernée par des médias du monde entier.
Aung San Suu Kyi espère être réélue députée
Acclamée par des partisans criant "victoire", Aung San Suu Kyi s'est rendue ensuite dans sa circonscription électorale de Kawhmu, à quelques heures de Rangoun, où elle espère se faire réélire à son poste de députée, décroché lors de législatives partielles en 2012 qui avaient été un raz-de-marée pour la LND.
Loin de la cohue médiatique entourant l'ex-dissidente, le président Thein Sein a voté en milieu de journée à Naypyidaw, la capitale administrative, avant d'exhiber son doigt teinté d'encre - preuve de vote -, un geste devenu un symbole sur les réseaux sociaux. Son parti, l'USDP, formé d'anciens généraux, est le principal obstacle dressé sur la route de la LND.
Au total, plus de 90 partis étaient officiellement en compétition, dont certains seront clefs dans le jeu des alliances.
Au-delà des législatives, l'enjeu est l'élection du président, par le Parlement, dans quelques mois. Aung San Suu Kyi, empêchée d'accéder à la présidence par la Constitution héritée de la junte, a prévenu qu'elle serait "au-dessus du président" en cas de victoire de la LND.
Pour son parti, la tâche est compliquée par le fait que l'armée conserve un quart des sièges du Parlement, réservés à des militaires non élus, alliés traditionnels de l'USDP.
"Pas de signes de fraude"
Après la fermeture des bureaux, Alexander Graf Lambsdorff, le chef de la mission d'observateurs européens, a assuré n'avoir "pas observé de signes de fraudes". Mais "le processus est loin d'être terminé" et tout peut arriver lors du décompte ou du transport des urnes.
De son côté, la LND a d'ores et déjà dénoncé des irrégularités dans des villages du delta de l'Irrawaddy.
L'opposition et les observateurs avaient déjà pointé des problèmes : chaos du vote anticipé à l'étranger, impossibilité de voter pour des centaines de milliers de Rohingyas musulmans privés de papiers d'identité, et annulation du vote dans des régions en proie à des conflits ethniques.
Les observateurs européens ont finalement été autorisés à entrer dans les bureaux de vote installés pour les militaires dans les casernes, au moins pour la dernière partie du décompte.
Enthousiasme et inquiétude
Dans l'attente qu'une tendance se dessine, la tension, mélange d'enthousiasme et d'inquiétude, était forte, après des mises en garde des autorités selon lesquelles elles ne tolèreraient aucune imitation des révolutions de type révolution arabe.
Le chef de l'armée, Min Aung Hlaing, a redit que le peuple était souverain. "Il n'y a qu'aucune raison pour nous de ne pas accepter" le résultat du scrutin, a-t-il expliqué à la presse.
Lors des dernières élections nationales jugées libres, en 1990, la junte s'était laissée surprendre et avait laissé la LND concourir et gagner. Mais les résultats n'avaient pas été reconnus et Aung San Suu Kyi, alors en résidence surveillée, n'avait pas pu voter. Et en 2010, la LND avait boycotté les élections.
Ce scrutin est donc considéré comme un test du succès éventuel de la transition démocratique amorcée il y a quatre ans, avec l'autodissolution d'une junte ayant régné d'une poigne de fer depuis 1962.
Avec AFP