Les Béninois votent dimanche pour élire leur président après une campagne sans ferveur et marquée par des violences dans le centre du pays où des manifestants protestaient contre un scrutin confisqué par le chef de l'Etat sortant Patrice Talon.
La réélection de cet ancien homme d'affaires arrivé au pouvoir en 2016 et qui a engagé ce pays ouest-africain dans un tournant autoritaire fait peu de doutes: ses adversaires sont deux candidats quasiment inconnus du public, les anciens députés Alassane Soumanou et Corentin Kohoué.
Les résultats devraient être annoncés lundi ou mardi.
La plupart des opposants sont soit en exil à l'étranger, soit condamnés par la justice, soit empêchés d'y participer du fait du nouveau Code électoral et d'une réforme institutionnelle.
Longtemps salué pour sa vitalité démocratique, le Bénin a vécu une campagne sans éclat ni ferveur dans le Sud, tandis que dans le Nord de graves violences ont éclaté.
"La particularité de cette élection est qu'elle se déroule dans une atmosphère de tension et de violence", a observé la plateforme électorale des organisations de la société civile béninoise.
Depuis mardi, les habitants de plusieurs villes du centre et du nord du pays, fiefs de l'opposition, ont bloqué des centaines de voitures et transporteurs en érigeant des barrages.
Jeudi l'armée a démantelé les barrages et libéré la voie, en faisant usage de tirs à balles réelles. Au moins deux civils sont morts et cinq autres ont été blessés lors de cette intervention.
"Des militaires qui tirent sur nos enfants, on dirait que nous sommes dans un film. Si le président a des problèmes avec ses opposants qu'il épargne le pauvre peuple", déplore Philomène M'Betti Tepa, une habitante de Boukoumbe, une ville du Nord-Ouest.
Vendredi, les représentants au Bénin de l'Union européenne, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et les Etats-Unis ont appelé dans un communiqué commun "à l'arrêt des violences" souhaitant une "élection libre, apaisée et transparente".
Selon la Commission électorale nationale autonome (Cena) les barrages ont entraîné un retard dans le déploiement du matériel électoral dans le Nord. Mais "il n'y a pas de raison pour que cette élection n'ait pas lieu", a-t-il assuré.
Près de 5 millions d'électeurs sont attendus dans 15.531 bureaux de vote. Le dépouillement des bulletins doit commencer dès la fermeture des bureaux de vote à 16H00 (15H00 GMT).
"Victoire KO"
Lors de ce scrutin, les Béninois éliront pour la première fois un vice-président.
Patrice Talon est le seul à avoir choisi pour candidat à ce poste une femme, Mariam Talata, une professeure de philosophie âgée de 57 ans aussi charismatique que féministe.
Outre l'absence d'une opposition forte, le président peut compter pour sa réélection sur un bon bilan économique: la production de coton, une des principales ressources du pays, a fortement augmenté, la petite corruption a quasiment été éradiquée, et de nombreuses routes ont été construites.
Et en dépit du coronavirus, le pays a réussi à maintenir une croissance positive en 2020.
"Je soutiens le président Talon car on avait tellement de problèmes avant. L'eau et l'électricité coupaient tout le temps, aujourd'hui c'est beaucoup mieux", affirme Ulrich Adjalla.
Sans emploi depuis des études de sociologie, ce Béninois de 28 ans est persuadé que le président Talon "créera des emplois pour la jeunesse".
Encore 38% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et le chômage des jeunes atteint des sommets. Pour son prochain quinquennat, le président Talon le promet, "le développement ça y est", comme il l'a martelé tout au long de sa campagne, et lors de son dernier meeting vendredi dans le Sud.
Devant une foule de partisans, il a promis une "victoire KO" dès le premier tour.
"Mais ce KO ne suffit pas. Pour notre pays, notre harmonie et l'image du pays à l'extérieur, il faut que tout le monde sorte pour aller voter, alors le KO sera encore plus retentissant", a-t-il lancé.