Le Parlement burundais a massivement approuvé mercredi un projet de loi prévoyant que le pays se retire de la Cour pénale internationale (CPI), marquant une nouvelle étape dans son isolement croissant vis-à-vis de la communauté internationale.
L'Assemblée nationale a voté en premier dans la matinée. Sur les 110 députés présents, 94 ont voté oui, 14 se sont abstenus et 2 ont voté contre. Dans une procédure accélérée, le texte a ensuite été présenté au Sénat et adopté à l'unanimité (39 voix sur 39 votants). Il doit être promulgué par le président Pierre Nkurunziza, dans les jours à venir.
Un retrait du Burundi de la CPI serait une première dans l'histoire de la Cour.
La grande majorité des députés qui se sont exprimés devant l'Assemblée nationale, au sein de laquelle le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, est largement majoritaire (86 sièges sur 121), ont justifié le retrait.
"Ceux qui utilisent la CPI veulent décapiter nos institutions. Je demande aux honorables députés de voter le retrait du Burundi de la CPI pour notre indépendance", a lancé la ministre de la Justice, Aimée-Laurentine Kanyana, venue défendre ce projet.
"La CPI est un instrument qui est en train d'être utilisé pour essayer de changer le pouvoir" au Burundi, a renchéri un député CNDD-FDD, Aloys Ntakarutimana.
De très rares voix dissonantes se sont fait entendre. "La sortie du Burundi de la CPI est une erreur politique et diplomatique", a ainsi estimé André Ndayizamba, membre de l'aile minoritaire de l'Uprona, normalement proche du pouvoir mais qui sur certaines questions sensibles s'en désolidarise parfois.
Le Burundi avait exprimé la semaine passée son intention de quitter la CPI: le Premier vice-président burundais, Gaston Sindimwo, avait alors estimé auprès de l'AFP que la CPI était un "moyen politique" utilisé par la communauté internationale pour "opprimer les pays africains", se faisant l'écho de critiques récurrentes de certains pays africains contre la CPI.
- Un raidissement croissant -
Pays de la région des Grands Lacs, le Burundi a plongé dans une grave crise depuis que Pierre Nkurunziza a annoncé en avril 2015 sa candidature à un troisième mandat, avant d'être réélu trois mois plus tard. Les violences y ont fait plus de 500 morts et poussé plus de 270.000 personnes à l'exil.
Une sortie de la CPI ne mettrait pourtant pas automatiquement le pays à l'abri de la justice internationale.
La CPI ne peut certes pas enquêter de sa propre initiative sur un pays non membre, mais elle peut le faire si le Conseil de sécurité de l'ONU l'y autorise, comme ce fut le cas pour le Darfour (2005) et la Libye (2011).
De plus, le statut de Rome, traité fondateur de la CPI, stipule que "le retrait prend effet un an après la date à laquelle la notification a été reçue" et "n'affecte en rien la poursuite de l'examen des affaires que la Cour avait déjà commencé à examiner avant la date à laquelle il a pris effet".
Or la procureure de la CPI Fatou Bensouda avait lancé en avril un examen préliminaire sur des meurtres, tortures et viols notamment, dans ce pays.
Le Burundi avait signé le statut de Rome en janvier 1999 et l'avait ratifié en septembre 2004.
Le régime burundais a fait l'objet ces dernières semaines d'une série d'accusations de la part de l'ONU, pour son implication présumée dans les violences et disparitions forcées dans le pays.
Le 20 septembre, un rapport de l'ONU avait accusé Bujumbura d'être responsable de graves violations des droits, systématiques et constantes, et mis en garde contre de possibles "crimes contre l'humanité" et un "grand danger de génocide".
Et dix jours plus tard, le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU avait annoncé l'ouverture d'une enquête visant notamment 12 personnalités du régime burundais, dont le numéro deux du pouvoir, le général Alain-Guillaume Bunyoni.
La décision de quitter la CPI s'apparente donc à une nouvelle preuve du raidissement croissant d'un régime déjà très isolé sur le plan international.
Cette semaine, le gouvernement burundais a ainsi déclaré persona non grata les trois experts de l'ONU auteurs du rapport du 20 septembre, et suspendu toute collaboration avec le bureau du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme à Bujumbura, accusé de "complicité" dans l'élaboration de ce même rapport.