Depuis l'abolition de l'esclavage au Brésil en 1888, ces nœuds de résistance, souvent installés à l'écart de la civilisation, ont traversé les siècles. Les quelque 2.000 quilombos qui existent encore dans le pays font vivre la musique, la nourriture et la culture des afro-descendants.
Certains ont été rattrapés par le béton. Le quilombo de Sacopa, à l'origine une vaste forêt, est désormais entourée par les résidences et les luxueux immeubles du quartier de la Lagoa Rodrigo de Freitas, qui jouxte les zones très chics d'Ipanema et Leblon.
Au 19e siècle, une famille d'esclaves ayant fui la ville de Macaé (200 km au nord) s'y est installée. Le groupe a ensuite grandi, en même temps que la ville.
"Si nous sommes encore là, c'est parce que j'ai été très obstiné. Ils ont déjà tout essayé pour reprendre cette terre, mais elle est à nous de droit", affirme Luiz Sacopa, 74 ans, descendant le plus âgé des fondateurs.
Il dit ne plus compter les tentatives pour les expulser de ce terrain de 18.000 mètres carrés: depuis le voisin qui a essayé d'y planter de la marijuana pour ensuite les dénoncer aux trois jours de surveillance non-stop de la police, en passant par la décision de justice leur interdisant les activités culturelles, pour cause de nuisances sonores au petit matin.
Coup dur
"Ce fut un coup très dur car nous vivions de ces événements, des feijoadas (le plat national brésilien à base de haricots, ndlr), des cours de capoeira. Nous faisions très attention, tout s'arrêtait à 20H00 ou à 21H00", assure José Claudio Torres Freitas, le neveu de Luiz, lors de la célébration du jour de la conscience noire, férié dans de nombreux Etats du Brésil.
"C'est le seul jour où nous pouvons organiser quelque chose. Ils n'oseraient pas l'interdire, non?", ironise-t-il.
Le combat de Sacopa et d'autres quilombos a repris de la vigueur en 2003, quand le président d'alors Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) a émis un décret régulant la démarcation et la propriété des terres des descendants d'esclaves qui ont fondé ces communautés.
Mais ce processus de reconnaissance, qui a pris du retard par endroits, doit encore être finalisé.
Le quilombo de Pedra do Sal, enclavé au cœur de Rio de Janeiro, près du port, a accueilli de nombreux esclaves tout juste arrivés d'Afrique. Cet endroit possède par ailleurs une dimension très symbolique, étant un des premiers lieux de culte du candomblé, religion afro-brésilienne toujours très pratiquée dans la région.
"Cette zone n'était pas comme aujourd'hui, elle était très isolée. Mais elle a été envahie, engloutie par la ville", raconte Damiao Braga, responsable de ce lieu qui a également dû ferrailler, notamment avec l'église, qui lui a disputé devant la justice la propriété de plusieurs habitations du quartier.
Destruction olympique
A cause de ça, rares sont les 25 familles descendantes de la communauté de Pedra do Sal qui vivent là aujourd'hui. L'inscription du quai de Valongo, porte d'entrée de près d'un million d'esclaves au Brésil, au patrimoine mondial de l'Unesco n'a rien fait pour arranger la situation.
"A présent, nous avons un soutien international, mais il y a encore des conflits. Des immeubles vides ont été occupés et il n'est pas facile de les reprendre", explique Braga.
A l'ouest de la ville merveilleuse, qui a reçu de nombreux sites des jeux Olympiques de 2016, Adilson Almeida rappelle fièrement l'histoire de ses ancêtres, des esclaves qui ont fui au 16e siècle pour fonder le quilombo Camorim.
Dans cette zone à l'écart des quartiers les plus animés, les 20 familles de descendants vivaient paisiblement jusqu'à un matin de 2014. Au réveil, une partie de la forêt avait été arrachée et des travaux avaient démarré: sur une portion de cette terre chargée d'histoire allait se dresser un immeuble pour héberger les arbitres des JO.
Dans ce cas, les terres n'ont pas pu être récupérées.
Mais Almeida garde espoir. Des fouilles archéologiques ont permis de trouver l'an dernier des restes du 16e et 17e siècles sur ce terrain, classé depuis comme site archéologique par l'Institut du patrimoine historique et artistique national (Iphan).
"Grâce à ça, on a une solide base juridique. C'est difficile que l'invasion de 2014 se répète", explique-t-il.
Avec AFP