Les populations sont sommées de quitter immédiatement les villages situés sur les îles du Lac Tchad. Déclarés "zones de guerre", les départements de Fouli et Kaya, dans la province du Lac, viennent d’être placés sous l’état d’urgence pour une période allant jusqu'au 16 avril.
La décision fait suite à l’attaque récente par Boko Haram d'une position de l’armée tchadienne à Bohoma, une localité de la province. Près de 100 soldats tchadiens ont été tués.
Pendant ce régime d’exception, il sera interdit de circuler. Les autorités pourront organiser des perquisitions dans les domiciles et instaurer un couvre-feu de 22h à 6h du matin. Les autorités pourront également contrôler la presse et les publications.
Une situation qui inquiète les organisations de la société civile.
Crainte de débordements
Max Loalngar, président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH), craint un excès de zèle des agents de sécurité. Il dit avoir en mémoire les exactions qui ont été commises à l’est du pays dans un contexte similaire.
"Les mesures qui ont été prises restreignent les libertés publiques", dénonce le président de la LTDH.
"Nous attirons l’attention du gouvernement sur des éventuelles dérives qui seraient contre-productives", avertit-il.
Préoccupé du sort des civils, il s'interroge si les mesures prises dans ce contexte ne vont pas aggraver une situation déjà difficile.
"Quand on se rend compte que les populations ont été appelées à partir de leurs maisons sans délai, c’est un peu exagéré. Il n’y a aucune mesure de sécurité, mais ils iront où?", déplore Max Loalngar.
Pour Abdéramane Djasnavaye, le président de l’Alliance tchadienne pour la démocratie et le développement (ATD), membre de la majorité présidentielle, le gouvernement a raison de prendre ces mesures pour accorder une marge de manoeuvre à l’armée nationale.
"Les droits de l’homme doivent reculer face à la sécurité", tranche le président de l’ATD, avant de préciser que "quand il n’y a pas la sécurité, il n’y a pas aussi les droits de l’homme, donc la priorité est donnée d’abord à la sécurité pour régler le problème".
Le coronavirus, une autre inquiétude
Max Loalngar exprime d’autres inquiétudes liées au risque de contamination de covid-19.
"Cette zone fait frontière avec pratiquement trois pays: le Cameroun, le Nigeria et le Niger où des cas de covid-19 ont été signalés", rappelle-t-il. "Il est à craindre que ces populations aient été en contact avec les populations riveraines et donc si elles doivent migrer à l’intérieur du territoire, le risque de contamination est à grande", prévient l'activiste.
Selon des sources proches de la Cellule de veille et de sécurité sanitaire, des mesures sont prises pour éviter toute contamination si un cas arrive à être confirmé.