Les policiers et les garde-frontières, fusils en bandoulière, scrutaient les alentours sur les places publiques, aux carrefours et sur les grands axes, déambulant là où on ne les voyait pas auparavant. Trois cents soldats viendront dimanche en renfort à Jérusalem aux policiers, a dit l'armée. Cependant, spectacle rare, des conscrits arborant une chasuble "police" fluorescente veillaient déjà près de la gare routière de Tel-Aviv. L'un des derniers déploiements importants de soldats dans les villes israéliennes remonte à 2002, au cours de la deuxième Intifada, en même temps qu'une vaste opération militaire israélienne en Cisjordanie occupée, selon une source proche des services de sécurité.
L'appel à l'armée est supposé contribuer à endiguer les violences qui réveillent le spectre de l'intifada, et rassurer une population en état d'alarme désormais permanent. Les alertes se succèdent, souvent injustifiées. Un train s'est arrêté jeudi près de Haïfa (nord) quand quelqu'un a actionné le signal d'alarme parce qu'un passager avait crié "terroriste" et qu'un soldat a tiré en l'air pour empêcher une éventuelle agression, a rapporté la police.
L'anxiété pousse les Israéliens à s'armer. Des photos publiées dans le quotidien populaire Yediot Aharonot montrent une juive dans le bus armée d'un rouleau à pâtisserie, d'autres encore déambulant avec des manches de pioche ou des manches à balai.
Scènes de panique
Hormis les armureries, le commerce souffre. "On fait 15% de moins de chiffre d'affaires que normalement", disait Aron Silverberg, gérant d'un magasin de téléphonie mobile du marché de Mahane Yehuda. Le marché, habituellement grouillant, était largement déserté jeudi.
Les environs de la gare routière de Jérusalem ont été le théâtre de mouvements d'une foule paniquée mercredi soir lors de la dernière en date des attaques au couteau qui mettent à l'épreuve les nerfs des Israéliens. Le jeune assaillant palestinien a été abattu, comme un autre plus tôt lors d'une autre attaque. Le gouvernement israélien avait pourtant annoncé plus tôt une série de mesures pour endiguer la vague qui venait de culminer avec la mort de trois Israéliens mardi dans une attaque à la voiture bélier et le premier attentat à l'arme à feu dans un bus depuis le début de l'escalade le 1er octobre. Des policiers contrôlaient jeudi chaque bus à quasiment tous les arrêts de la route d'Hébron, grand axe entre Jérusalem et la Cisjordanie.
Jérusalem et la Cisjordanie sont secouées depuis le 1er octobre par des heurts entre jeunes lanceurs de pierres et soldats israéliens, des agressions entre Palestiniens et colons et des attaques à l'arme blanche. Les violences ont fait sept morts côté israélien et une trentaine de morts côté palestinien, dont plusieurs auteurs d'attentats. Il y a des dizaines de blessés d'un côté, des centaines de l'autre.
Les tensions suscitent les appels à la haine sur les réseaux sociaux. "Tout le monde nous suspecte, le racisme est de plus en plus grand", déplorait Shahr Omraq, 51 ans, employé de nettoyage palestinien près d'un arrêt de bus. Outre le renfort de l'armée, le gouvernement a autorisé le bouclage des quartiers palestiniens de Jérusalem-Est, partie palestinienne de Jérusalem annexée et occupée par Israël. C'est de Jérusalem-Est que viennent la très grande majorité des auteurs d'attentats.
Impuissance des politiques
Aux postes de contrôle dressés depuis la veille, les policiers israéliens filtraient une à une les voitures sortant du quartier de Ras El-Amoud, d'où venait l'auteur d'un des attentats. Les experts soulignent la quasi-impossibilité de contrer les attaques au couteau de la part d'individus isolés. Les autorités israéliennes comme palestiniennes ont paru jusqu'alors impuissantes à calmer les esprits parmi une jeunesse exaspérée par l'occupation et la colonisation, encouragée par les réseaux sociaux et aiguillonnée par les incantations religieuses.
Pour le gouvernement israélien, la violence provient d'un refus de l'existence même d'Israël et les incitations à la haine proférées par les dirigeants palestiniens. L'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas et les principales organisations palestiniennes ne semblent pas avoir de prise sur ces jeunes. M. Abbas et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ont échangé des reproches mercredi dans deux discours concomitants.
Difficile de discerner dans ce contexte exacerbé quelle part peut revenir à la diplomatique. Washington a annoncé que le secrétaire d'Etat John Kerry se rendrait "bientôt" dans la région.
Avec AFP