L'explosion d'une voiture piégée et l'assaut d'hommes armés qui a suivi ont tué mercredi plusieurs gardiens, policiers et quatre civils. Parmi ceux-ci, figurent trois employés afghans de l'ONG Care international, dont les locaux jouxtent ceux de Counterpart.
"L'organisation visée hier dirige des programmes pour encourager le dialogue sur la paix, favoriser la participation de la jeunesse et améliorer les opportunités pour les femmes", a écrit le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo dans un communiqué. Il a condamné "un assaut insensé contre les valeurs nobles portées par des organisations comme Counterpart".
"Cette attaque reflète les dangers croissants du travail humanitaire dans les pays touchés par des conflits comme l'Afghanistan et la malheureuse réalité quotidienne de la violence" dans ce pays, regrette Care dans un communiqué.
Ann Hudock, la présidente de Counterpart international, principalement financée par le gouvernement américain, a déploré une "attaque contre des professionnels du développement qui consacrent leur vie à améliorer (celle) des plus vulnérables en Afghanistan, notamment les femmes, les jeunes et les personnes handicapées".
Counterpart, qui met en oeuvre des programmes de développement dans le monde entier, est présente en Afghanistan depuis 2005. C'est la première fois qu'elle est la cible d'un attaque.
Des murs anti-explosions en béton armé avaient été érigés pour protéger ses salariés à Kaboul. Ils ont été soufflés, tout comme l'ensemble des vitres à 300 mètres à la ronde, lorsque la voiture piégée a explosé, a constaté l'AFP.
"La sécurité est une préoccupation constante pour tous en Afghanistan et nous avons mis en place des mesures en conséquence", a commenté un porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge internationale, sollicité par l'AFP.
Mi-avril, le CICR a suspendu ses activités, après que les talibans l'ont "interdit" d'exercer. "Des négociations sont en cours" avec les insurgés à ce sujet, a poursuivi ce porte-parole.
- Moins d'ONG -
Des myriades d'organisations humanitaires internationales ont commencé à travailler en Afghanistan après la chute des talibans, chassés du pouvoir en 2001 par une coalition internationale menée par les Etats-Unis.
Quelque 266 d'entre elles y opèrent encore aujourd'hui, selon le ministère de l'Economie, leur nombre ayant "diminué ces dernières années en raison de l'insécurité".
L'ONG britannique Save the Children a ainsi suspendu ses opérations après une attaque du groupe Etat islamique (EI) en 2018 à Jalalabad (est), dans laquelle trois de ses employés avaient péri et plusieurs autres avaient été blessés.
Selon l'ONU, 30 humanitaires ont été tués et 53 blessés en 2018 en Afghanistan, contre 16 en 2016 et 19 en 2017.
Mercredi, les talibans, connus pour leur répression brutale et la ségrégation qu'ils imposaient quand ils étaient au pouvoir, ont expliqué avoir ciblé Counterpart parce que cette ONG encourageait la "mixité" hommes-femmes et promouvait "la culture occidentale".
- "Faiblesse" -
L'attaque est survenue alors que de nouveaux pourparlers de paix à Doha entre responsables américains et insurgés se sont clos jeudi soir. Elle n'a, semble-t-il, pas remis en cause les avancées dans les négociations entamées depuis plusieurs mois.
"Ce cycle a généralement été positif et constructif. Les deux parties se sont écoutées l'une l'autre avec soin et patience", a écrit le porte-parole politique des talibans à Doha, Suhail Shaheen. L'émissaire américain, Zalmay Khalilzad, pourtant prolixe sur Twitter n'a pour l'heure fait aucun commentaire.
Après huit jours de discussions, les deux parties ne sont pas encore parvenues à un accord sur le retrait des troupes américaines d'Afghanistan en échange d'une garantie que ce pays ne sera pas utilisé comme refuge pour des groupes terroristes. Les Etats-unis souhaitent également négocier dans le même temps un cessez-le-feu et des pourparlers entre le gouvernement de Kaboul et les talibans, ce que les insurgés refusent.
"Les talibans incarnent le crime qui ne se prête pas à des initiatives pacifiques de règlement des conflits", a réagi jeudi sur Twitter le chef de l'exécutif afghan, Abdullah Abdullah.
"Ils interprètent notre bonne volonté comme une faiblesse et abusent des négociations de paix pour chercher la légitimité pour des crimes odieux tels que ceux qu'ils ont commis hier à Kaboul", a-t-il ajouté.
Le président afghan Ashraf Ghani avait offert la semaine dernière aux talibans un cessez-le-feu pour le ramadan. Les insurgés ont repoussé l'offre.
En mai 2017, les insurgés avaient déclaré que le fait de blesser des civils pendant le ramadan était un "crime". Cette année, ils ont affirmé le contraire.
"Les talibans ont dit que +le Jihad pendant le Ramadan était plus gratifiant+. Ils doivent être bien récompensés pour avoir tué le père de cinq enfants", a tweeté Hashim Wahdatyar, le beau-frère d'une des victimes.