Après Issa Kaou Djim et Clément Dembélé la veille, deux autres leaders du mouvement dit du 5-Juin, Choguel Maïga et Mountaga Tall, ainsi que deux hommes décrits comme des têtes pensantes, Oumara Diarra et Adama Ben Diarra, ont été interpellés par les forces de sécurité, ont affirmé des responsables et des témoins.
Les autorités ont gardé le silence sur ces opérations.
Au même moment, la ville qui portait encore les stigmates de vendredi demeurait le théâtre de heurts et d'incidents qui y ont maintenu un climat de grande nervosité et d'incertitude quant à l'avenir.
Ces incidents sont allés en s'intensifiant à l'approche de la soirée, des groupes de jeunes continuant à dresser des barrages, à lancer des pierres et à défier les forces de sécurité.
Les forces anti-émeutes montées sur des pick-ups et soutenus par un véhicule blindé ont dispersé à coups de gaz lacrymogènes quelque 150 jeunes regroupés dans le quartier de Badalabougou aux abords d'un des trois ponts reliant les deux parties de Bamako de part et d'autre du fleuve Niger, a constaté un journaliste de l'AFP.
Des manifestants ont intercepté des véhicules pour les vider sous la menace de leur contenu de quelque valeur, a constaté un correspondant de l'AFP.
- Nouvelles barricades -
De nouvelles barricades ont commencé à se dresser dans la soirée, y compris sur la grande place de l'Indépendance.
Bamako a connu vendredi sa pire journée de turbulences civiles depuis des années, marquée par au moins trois morts et des attaques contre des symboles aussi éminents du pouvoir que le Parlement et la télévision nationale.
Le Premier ministre Boubou Cissé a fait état de quatre morts et d'une cinquantaine de blessés lors d'une visite à l'hôpital, mais des doutes sont ensuite apparus sur la réalité du nombre de morts.
Ces évènements aux perspectives imprévisibles ajoutent à la volatilité d'une situation qui alarme les alliés du Mali, inquiets d'un élément déstabilisateur de plus dans un pays confronté au jihadisme et à une série de défis majeurs, dans une région elle-même tou rmentée.
Le Premier ministre Boubou Cissé a renouvelé l'appel au dialogue réitéré dans la nuit par le président Ibrahim Boubacar Keïta et assorti d'un message de fermeté.
M. Cissé a indiqué qu'il formerait "très rapidement" un gouvernement "resserré" pour rétablir l'ordre "dans les meilleurs délais" et faire face aux défis maliens. Il a dit vouloir le faire "avec l'ensemble des forces vives".
Cependant, depuis le début de la crise il y a quelques semaines, aucune des ouvertures du président, y compris l'offre d'un gouvernement d'union nationale, n'a apaisé la contestation qui, au contraire, a pris sa tournure la plus violente vendredi.
- "Désobéissance civile" -
"Nous restons mobilisés parce que la répression renforce notre détermination et nous allons continuer avec notre mot d'ordre jusqu'à la fin du régime IBK qui est un cancer pour tout le Mali", a dit Kaou Abdramane Diallo, un porte-parole de la coalition hétéroclite de chefs religieux et de personnalités du monde politique et de la société civile qui mène le mouvement.
Comme annoncé par avance, certains leaders ont explicitement donné le signal de la "désobéissance civile" vendredi, après le rassemblement de milliers de personnes réclamant la démission du chef de l'Etat.
Des foules d'hommes ont alors attaqué l'Assemblée nationale, saccageant et pillant des bureaux. Ils s'en sont pris aussi au siège de la télévision nationale, qui a interrompu ses programmes.
"Le dégât matériel est considérable ici: six véhicules calcinés, sept véhicules dont les vitres ont été brisées. L’appareil de numérisation des archives volé (alors que c'était) un nouvel appareil, le serveur du journal télévisé et d’autres appareils endommagés", a dit samedi à l'AFP le directeur général de la radio-télévision, Salif Sanogo.
Des membres des forces de sécurité ont ouvert le feu pour dégager l'Assemblée et la radio-télévision.
Il s'agissait de la troisième manifestation depuis juin à l'appel de cette coalition qui canalise une multitude de mécontements dans l'un des pays les plus pauvres du monde: mécontentement contre la dégradation sécuritaire et l'incapacité à y faire face après des années de violence, le marasme économique, la défaillance des services de l'Etat, ou encore le discrédit répandu d'institutions suspectes de corruption.
Les élections parlementaires de mars-avril et l'invalidation d'une trentaine de résultats par la Cour constitutionnelle, accusée de collusion avec le pouvoir, passent pour avoir cristallisé les colères.