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Les océans se vident et les pêcheurs kényans doivent s'adapter ou disparaître


 Malindi, Kenya. (AP Photo/Karel Prinsloo)
Malindi, Kenya. (AP Photo/Karel Prinsloo)

Avec masque et tuba, Ahmed Ali Mohamed plonge dans les eaux de l'océan Indien, pour examiner la faune et la flore marines. Son rôle n'est pas de pêcher, comme l'a fait sa famille pendant des générations, mais seulement de compter les poissons.

Mohamed est l'un des premiers anciens pêcheurs à être formés pour surveiller les récifs sous-marins au large de l'île de Pate, dans le sud-est du Kenya, où l'avenir des pêcheurs s'est assombri avec la baisse des stocks de poissons.

Les pêcheurs de Pate ont sillonné ses eaux pendant des générations mais, comme dans de nombreuses autres régions côtières du globe, ils doivent aujourd'hui s'adapter pour survivre, après avoir découvert que l'océan n'est pas une ressource sans limite.

"La population de la communauté a augmenté au fil du temps et nous dépendons tous du seul océan pour survivre", remarque Mohamed, 45 ans, un ancien pêcheur de homard.

"Avant, les gens partaient en mer et revenaient avec une grosse pêche (...), mais aujourd'hui ils ne reviennent même pas avec de quoi nourrir leur propre famille", s'inquiète-t-il.

A Pate, située sur l'idyllique archipel de Lamu, la pêche est devenue la principale source de revenus quand le tourisme a décliné après une série d'enlèvements par des pirates en 2011 et une hausse des attaques menées par les islamistes somaliens shebab sur le continent.

Les responsables communautaires craignent aujourd'hui, avec la raréfaction des poissons, que la pauvreté n'augmente, dans une région à dominante musulmane avoisinant la Somalie et marginalisée depuis des décennies.

"Quand on en arrive à un point où les gens n'ont rien à faire, n'ont pas de revenus (et que) la pauvreté augmente, ils n'ont plus d'autre option que de finir par rejoindre des mauvais groupes comme les shebab", estime Atwas Swabir, le président de la réserve marine de Pate.

- La pêche, un 'mode de vie' -

La pauvreté est d'ailleurs déjà bien enracinée. Sur l'île bordée par la mangrove, l'électricité n'a atteint le village de Faza que deux mois plus tôt.

Des dizaines d'enfants traînent sur le rivage. Atwas Swabir sait que nombre d'entre eux finiront pêcheurs, "qu'ils le veuillent ou non". Rendre la pêche viable sans détruire l'environnement est donc capital.

"La pêche, ce n'est pas seulement une activité destinée à assurer un revenu, c'est un mode de vie", affirme Kamalu Sharif, directeur régional de l'institution gouvernementale en charge de la pêche.

Près de l'endroit où Mohamed prend des notes, sous l'eau, deux embarcations traditionnelles appelées dhows (boutres) étendent un filet au maillage étroit qui emporte tout dans son sillage, y compris de jeunes poissons et quelques morceaux de corail.

Les récifs fourmillent de poissons, qui viennent ici pour frayer, ce qui fait d'eux une cible de choix pour les pêcheurs.

"C'est ici que la reproduction a lieu, que (les poissons) déposent leurs oeufs. Les pêcheurs ciblent directement ces récifs", explique Juliet King, conseillère pour le Northern Rangelands Trust (NRT), une organisation de défense de l'environnement.

Le programme de surveillance des récifs, financée par l'organisation américaine Nature Conservancy, est destiné à aider les pêcheurs à mieux préserver leurs ressources, en utilisant une méthode proche de la jachère, qui laisse certaines zones au repos le temps qu'elles se repeuplent.

A plus long terme, le but est de permettre aux pêcheurs de s'éloigner d'un secteur côtier trop fragile. Ils n'utilisent actuellement qu'une fraction de la zone de pêche à leur disposition, qui s'étend jusqu'à plus de 200 miles nautiques au large des côtes.

- Le désastre de la surpêche -

"Nous essayons d'encourager (les pêcheurs) à étendre leur zone de pêche à des eaux légèrement plus profondes et moins exploitées, afin de nous attaquer au problème fondamental de la surpêche", indique George Maina, coordinateur du projet pour Nature Conservancy.

L'urgence est d'autant plus grande que la construction prévue dans les environs d'un nouveau port industriel devrait aider au développement de la région, mais augure mal de l'avenir de quelque 4.000 pêcheurs s'ils restent près des côtes.

Plus au large, ils pourraient augmenter la taille de leur pêche et pêcher des poissons d'une valeur marchande plus importante. Mais cela requiert de la glace pour le stockage et un marché sur lequel les vendre.

Un nouveau projet en ce sens est à l'essai. Des dhows quittent Pate avec des caissons de glace à bord. Dans les eaux plus profondes, ils pêcheront à la ligne et à l'hameçon, et non plus avec des filets.

Le jour d'après, la pêche, composée de vivaneaux, de thons, et d'empereurs est confiée à un hôtel proche, qui loue un congélateur aux pêcheurs, avant d'être envoyée vers des restaurants hauts de gamme et des lodges dans tout le Kenya.

Mohamed Mwanaheri, 40 ans, dit avoir plus que doublé ses revenus avec ce nouveau programme pilote. "Les gens doivent savoir que la communauté sait qu'il y a un marché disponible (et peut) changer ses méthodes de pêche dépassées", avance-t-il.

Fuzz Dyer, conseiller pour NRT et propriétaire de l'hôtel où le poisson est congelé, estime que les pêcheurs peuvent produire 400 kg de poissons de bonne qualité chaque jour si on les aide à modifier leurs pratiques et à écouler leur pêche.

L'alternative, prévient Dyer, est le désastre de la surpêche qui laisserait un littoral dévasté. "Les gens détruisent le fond des océans", déplore-t-il.

Avec AFP

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