Dans un communiqué publié vendredi matin, les rebelles tigréens "s'engagent à mettre en oeuvre une cessation des hostilités, effective immédiatement" et appellent le gouvernement éthiopien à "prendre des mesures concrètes pour faciliter l'accès sans restrictions au Tigré", région du nord de l'Ethiopie où la faim menace.
Le gouvernement du Premier ministre Abiy Ahmed a décrété jeudi une "trêve humanitaire unilatérale", afin de permettre "la libre circulation de l'aide humanitaire vers ceux ayant besoin d'assistance" au Tigré, où aucun convoi d'aide humanitaire n'est arrivé par la route depuis le 15 décembre.
Tout en estimant que "lier des questions politiques et humanitaires est inacceptable", les rebelles se disent déterminés à ce que le cessez-le-feu "soit un succès" et assurent qu'ils "feront de leur mieux pour donner une chance à la paix".
Forces progouvernementales et rebelles du Tigré s'affrontent dans le nord de l'Ethiopie depuis qu'en novembre 2020 Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix l'année précédente, a envoyé l'armée fédérale déloger les autorités de la région, gouvernée alors par le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) qui contestait son autorité depuis des mois.
Rapidement défaites, les troupes rebelles du TPLF ont ensuite, courant 2021, repris militairement le Tigré et le conflit s'est depuis propagé aux régions voisines de l'Amhara et de l'Afar.
Les bientôt 17 mois de conflit, marqué par de multiples exactions, ont provoqué une grave crise humanitaire dans le nord de l'Ethiopie, où plus de neuf millions de personnes ont besoin d'aide alimentaire, selon le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU.
Au Tigré, le PAM estimait en janvier que 4,6 millions de personnes, soit 83% des quelque six millions d'habitants de la région, étaient en situation "d'insécurité alimentaire", tandis que deux millions souffraient d'une "pénurie extrême de nourriture".
Depuis mi-février, les opérations humanitaires au Tigré – où plus de 400.000 personnes ont été déplacées par le conflit – sont quasiment interrompues par les pénuries de carburant et de liquidités sur place, selon l'ONU.
Efforts diplomatiques
Les combats dans la région de l'Afar empêchent le passage des convois routier d'aide alimentaire et de carburant sur la seule voie terrestre opérationnelle, qui relie Semera, capitale de l'Afar, et Mekele, capitale du Tigré.
L'ONU a longtemps dénoncé un "blocus humanitaire de fait" du Tigré, dont le gouvernement et les rebelles se sont rejetés mutuellement la responsabilité. Les diplomates étrangers menés par Olusegun Obasanjo, l'envoyé spécial de l'Union africaine pour la Corne de l'Afrique, tentent depuis des mois d'obtenir des pourparlers de paix, avec peu de progrès visibles.
Washington, dont l'envoyé spécial pour la Corne de l'Afrique David Satterfield était en Ethiopie cette semaine, "exhorte toutes les parties à s'appuyer" sur l'annonce d'une trêve "pour faire progresser un cessez-le-feu négocié et durable, y compris les arrangements de sécurité nécessaires", a indiqué tôt vendredi le département d'Etat américain.
"L'Union européenne salue la trêve humanitaire décrétée par le gouvernement de l'Ethiopie et la cessation des hostilités décidée par les autorités du Tigré", a réagi la représentation de l'UE à Addis Abeba.
William Davison, analyste principal de l'International Crisis Group pour l'Ethiopie, estime que "l'acheminement inconditionnel et sans restriction de l'aide pourrait également contribuer à créer suffisamment de confiance pour ouvrir la voie à des pourparlers de cessez-le-feu et, finalement, au dialogue".
Le gouvernement éthiopien avait déjà décrété le 28 juin un cessez-le-feu unilatéral, alors que les forces du TPLF entraient dans Mekele. Ce cessez-le-feu ne courait que "jusqu'à la fin de la saison des cultures".
Les combats avaient ensuite repris, les rebelles du TPLF avançant en Amhara et en Afar, jusqu'à affirmer se trouver à 200 km d'Addis Abeba. Ils s'étaient repliés au Tigré fin décembre, après une contre-offensive de l'armée éthiopienne qui avait indiqué qu'elle n'entrerait pas dans la région.
Ce repli avait suscité l'espoir de voir s'ouvrir des négociations, vite douché quand le TPLF avait annoncé reprendre les combats en Afar fin janvier.