"On ne s'y attendait pas", poursuit la jeune femme, hébergée par une famille rwandaise depuis qu'elle a fui le Burundi il y a trois mois.
"On en parle beaucoup entre nous, surtout via les réseaux sociaux, on se demande où on va pouvoir aller", ajoute Audrey, qui a activement participé aux manifestations contre le 3e mandat du président Pierre Nkurunziza - finalement réélu en juillet 2015 - au point d'être personnellement menacée.
"Au Rwanda, on est en sécurité, je ne vois pas ailleurs où aller", explique-t-elle, excluant tout retour dans son pays d'origine et jugeant peu sûrs les autres pays de la région.
Marque de ses inquiètudes, Audrey, comme les autres réfugiés burundais, refuse d'être prise en photo et identifiée clairement.
Vendredi, la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo a annoncé que Kigali souhaitait renvoyer les réfugiés burundais vers "des pays tiers".
Deux jours auparavant, les États-Unis avaient accusé le Rwanda de chercher à "déstabiliser" le régime du président burundais Pierre Nkurunziza, notamment en recrutant et entraînant des réfugiés burundais sur son sol.
Quelque 75.000 Burundais, sur les 240.000 qui ont fui le pays, ont trouvé refuge au Rwanda depuis le début de la crise il y a neuf mois, dont beaucoup d'opposants, de militants associatifs ou de journalistes.
"Les malentendus sur notre politique étrangère sont inacceptables", avait déclaré Mme Mushikiwabo, fustigeant "l'indifférence totale (de la communauté internationale) aux causes profondes, bien connues, de l'instabilité au Burundi".
Le Rwanda a toujours rejeté ces accusations d'ingérence et ne cesse de répéter que les causes de la crise au Burundi qui, depuis fin avril a fait plus de 400 morts, sont internes.
'Nouvelle vie à Kigali'
"+Un pays tiers+ ? Qu'est-ce que cela signifie ?", s'inquiète Amandine, une mère de deux enfants, dont un vient tout juste de commencer sa scolarité dans une école primaire de la capitale rwandaise.
"Beaucoup de réfugiés ont commencé une nouvelle vie à Kigali", s'alarme à son tour une réfugiée de 26 ans, qui se fait appeler Sandrine. "Certains ont monté leur affaire, des étudiants qui avaient dû arrêter leur études en fuyant le Burundi ont repris leur scolarité ici", énumère la jeune femme. "Nous serions victimes une seconde fois", soupire-t-elle.
Malgré ses craintes, la jeune femme dit avoir du mal à croire à cette annonce des autorités rwandaises: "Je pense qu'ils veulent seulement faire peur à la communauté internationale" en menaçant de refouler les réfugiés vers d'autres pays.
Vendredi, le Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) a reçu l'assurance du Rwanda que le gouvernement continuerait "à respecter ses obligations internationales" et s'engageait à "ne pas expulser de force des réfugiés".
L'agence onusienne a toutefois pressé le gouvernement de s'exprimer publiquement sur ces clarifications, pour éviter un "mouvement de panique" au sein des réfugiés.
"On aimerait avoir plus d'informations, on est dans le flou", confirme Audrey, qui ne se dit qu'à moitié rassurée par les déclarations du HCR. "Je suis complètement perdu", renchérit un réfugié burundais qui vient d'ouvrir un restaurant à Kigali.
En raison de cette incertitude, le HCR s'inquiète aussi de possibles tensions à venir entre la population rwandaise et les réfugiés, dont beaucoup "dépendent de la générosité et de la bonne volonté des Rwandais qui les accueillent", détaille Martina Pomeroy, porte-parole du HCR au Rwanda. "Que peut-il se passer si la population pense que les réfugiés sont devenus indésirables pour le gouvernement?", s'interroge-t-elle.
"Je suis inquiet, mais je comprends la décision du Rwanda qui réagit à des accusations non-fondées", estime Révérien Bazikanwe, un journaliste burundais en exil à Kigali. Cependant, regrette-t-il, ces accusations, comme le débat autour de l'expulsion des réfugiés, "noient la question majeure", la crise au Burundi.
"C'est d'ailleurs dans l'intérêt de Bujumbura de noyer le vrai problème", accuse-t-il, prenant pour exemple les manifestations organisées samedi par le pouvoir dans la capitale burundaise et dénonçant avec des slogans très durs l'ingérence présumée du Rwanda.
Avec AFP