L’arrêt a condamné 20 ex-agents de la Direction de la documentation et de la sécurité (DSS), une police politique, pour assassinats, tortures, séquestrations, détentions arbitraires et autres actes de barbarie pour des crimes commis sous le règne de Hissein Habré entre 1982 et 1990. Mais les autorités judiciaires sont restées impassibles et l'arrêt n'a jamais été exécuté.
Quatre ans après la condamnation de certains de ces agents à des travaux forcés allant de 5 à 20 ans et d’autres à perpétuité par la cour criminelle spéciale de N’Djaména, les victimes affirment n’avoir vu aucune volonté dans l’exécution de cette décision.
Ni la saisie et la confiscation de leurs biens, ni l’édification d’un monument sur le site de la fosse commune à la sortie Nord de N’Djamena à leur mémoire, moins encore l’ancien bâtiment de la DDS qui devrait être transformé en un musée, ne les satisfait.
Même la mise en place d’une commission qui sera chargée d’exécuter ce présent arrêt ordonné par la cour, tarde à voir le jour. Visiblement affaiblies, les victimes ne se découragent pas. Elles organisent des conférences et des sit-in pour se faire entendre et sont en colère :
"Presque 40% des femmes vêtues en noir que vous voyez ici sont toutes malades. Il faut que les dommages soient versé mais là on attend depuis 4 ans", explique une victime.
"J’ai perdu mon père à l’âge de 9 mois. Il était allé au travail et il n’est plus revenu. Nous ne sommes pas là pour insulter le gouvernement mais nous demandons réparation. Il faut dédommager les victimes directes et indirectes. On est vraiment surpris que rien n’est fait jusque-là".
Les ex-agents de la DDS sont condamnés à payer aux victimes une somme de 75 milliards de francs CFA à titre de dommages et intérêts. La cour déclare l’Etat tchadien civilement responsable et doit s’exécuter à hauteur de 50%.
Pour le président de l’association des victimes des crimes du régime d’Hissein Habré, Clément Ndokot Abaifouta, non seulement la décision tarde à être exécutée, mais, même certains condamnés sont en liberté.
"Quelqu’un qui a violé votre sœur et votre mère devant vous, tué votre père, brulé votre case, arraché tous vos biens... Il a été jugé et condamné et il se trouve toujours dehors, ça choque et ça révolte. Nous ne pouvons pas comprendre que le gouvernement tchadien puisse ne pas respecter ses engagements et instaurer une impunité en plein soleil", se révolte-t-il.
Clément Ndokot Abaifouta lance par ailleurs un appel à la communauté internationale pour qu'elle aide les victimes : "Je pense que la communauté internationale -comme elle a fait pour le procès de Dakar (procès Hissein Habré)- peut utiliser les mêmes moyens pour faire pression sur le gouvernement tchadien. Si rien n’est fait, nous avons d’autres actions à mener jusqu’à ce que le gouvernement nous prête une oreille attentive".
Le Ministère de la Justice n'a donné aucune réponse officielle. Sollicité à plusieurs reprises par VOA Afrique pour avoir les raisons de l’inexécution de cet arrêt rendue il y a 4 ans, les autorités judiciaires n'ont pas souhaité se prononcer.