"Cela fait désormais un an que nous ne présentons plus de projets de loi devant le Parlement. Il y a beaucoup de directives de l'Union européenne à approuver, il faut le faire le plus vite possible", a déclaré le chef du gouvernement sortant Mariano Rajoy.
Il a ensuite souhaité que ses adversaires politiques fassent preuve de "bon sens" pour permettre "la formation d'un gouvernement stable".
Depuis les législatives 20 décembre, l'Espagne est dirigée par un exécutif qui ne peut qu'expédier les affaires courantes. Le Parlement, fragmenté, n'avait pas réussi en six mois à investir de nouveau gouvernement.
Les élections du 26 juin ont renforcé la position dominante de M. Rajoy mais sans lui offrir la possibilité de gouverner seul: le Parti populaire (conservateur) qu'il préside est arrivé premier avec 33% des suffrages - et 14 sièges de plus qu'en décembre - suivi des socialistes et de la coalition anti-austérité Unidos Podemos (gauche radicale).
En apparence la paralysie ne pose pas de problème: l'économie continue à croître, en principe à un rythme de 2,7% ou plus en 2016, et le chômage baisse, même s'il reste aux alentours de 21%.
Mais le gouvernement ne peut mettre aucune réforme en oeuvre. Or, certaines, structurelles, notamment en matière d'éducation et de formation professionnelle où l'Espagne est très en retard, devraient intervenir au plus vite, estime Pablo Simon, professeur de Sciences politiques à l'Université Carlos III de Madrid.
Du moins avant que les vents mauvais du Brexit ne viennent assombrir l'économie espagnole, bien exposée à ses conséquences, notamment dans le secteur bancaire.
D'autres questions urgentes doivent être réglées.
Jeudi la Commission a déclaré l'Espagne et le Portugal en dérapage budgétaire pour non respect de leurs objectifs de déficit, celui de l'Espagne ayant atteint 5,1% du PIB en 2015.
Sous la menace de sanction, Madrid doit urgemment présenter un plan de réduction du déficit.
Mais avec seulement 137 élus sur 350, M. Rajoy est loin de la majorité absolue nécessaire à un gouvernement pour adopter ces mesures. Il cherche donc des alliés et a commencé cette semaine par trois petits partis régionaux.
Il n'a pas encore contacté les plus importants: le libéral Ciudadanos (32 sièges) et surtout le Parti socialiste (85).
Le PSOE a la capacité de bloquer son investiture ou, en s'abstenant, de lui permettre de former un gouvernement en minorité.
M. Rajoy, écrit le quotidien conservateur ABC, attend une réunion de la direction fédérale du Parti socialiste ce week-end pour savoir quelle sera sa position.
"Il faut respecter le timing et l'autonomie du Parti socialiste", a aussi écrit jeudi le PP (conservateur) dans un communiqué.
Mais les socialistes se feront prier pour faciliter la formation d'un gouvernement de droite, ne serait-ce que pour ne pas choquer leurs électeurs.
"Le plus normal au final serait que Mariano Rajoy gouverne avec notre abstention (...) mais celle-ci ne se justifiera qu'une fois que l'on aura démontré qu'il n'existe aucune autre solution", avait expliqué à l'AFP un haut responsable socialiste, au lendemain des législatives du 26 juin.
Pour l'ancien chef du gouvernement socialiste Felipe Gonzalez (1982-1996), "le Parti socialiste doit accepter le dialogue que lui propose le candidat du PP", sans pour autant faire partie d'une coalition avec lui.
Le PSOE "doit occuper sa place dans une opposition responsable", insiste-t-il en tablant sur la constitution d'un gouvernement de droite soutenu par les libéraux de Ciudadanos.
"Le problème de Mariano Rajoy c'est qu'il va devoir accepter (pour obtenir leur abstention) de défaire beaucoup de choses qu'il a construites pendant ses quatre ans de mandat", constate Pablo Simon: "En matière de réforme du droit du travail, d'éducation, de budget...".
Dans tous les cas, ajoute-t-il, "son gouvernement est mort-né": s'il obtient l'investiture, il aura ensuite de grandes difficultés à gouverner avec un Parlement rebelle.
Avec AFP