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Libéré des talibans, un village afghan garde toute sa méfiance vis-à-vis du gouvernement


Ghulam Haidar, 25, l'ancien militien recoit one formation de deminage a Kabul, Afghanistan, samedi, mars 5, 2005.
Ghulam Haidar, 25, l'ancien militien recoit one formation de deminage a Kabul, Afghanistan, samedi, mars 5, 2005.

Flanqué de ses combattants, le commandant Ghulam Farooq embrasse du regard le trophée le plus fameux de sa carrière de chef de guerre afghan: le village de Qara Ghoily, repris aux talibans après cinq ans d'une occupation qui, en creux, révèle les failles du gouvernement de Kaboul

Lorsque Farooq, l'un des plus puissants chefs de guerre de la province de Faryab, dans le nord-ouest de l'Afghanistan, a repris Qara Ghoily en août, les habitants lui ont bien fait comprendre qu'ils ne portaient pas le gouvernement central dans leur coeur, malgré la brutalité des talibans.

Durant les cinq années d'occupation du village, les talibans "n'avaient pas de prison. Ils n'en avaient pas besoin. Ils décapitaient les détenus là-bas", explique Farooq en pointant un emplacement au milieu des vignes.

Les libertés individuelles étaient quasi inexistantes. Oubliées la musique, les visages glabres pour les hommes, les coiffures occidentales: pendant cinq ans, les maîtres de Qara Ghoily ont tenté d'imposer les règles qui prévalaient à l'époque où les talibans dirigeaient l'ensemble de l'Afghanistan, entre 1996 et 2001.

Mais cette vision pour le moins austère de l'islam n'a pas empêché les talibans de s'attirer les faveurs de villageois défiants à l'endroit des institutions mises en place par le régime de Kaboul, perçues comme corrompues et totalement inefficaces.

La justice en est un exemple parlant. Pour remplacer le système judiciaire gouvernemental à la lenteur proverbiale, les talibans ont institué leurs propres tribunaux, prompts à rendre la justice dans tous les domaines, de l'adultère au larcin.

Surtout, les juges talibans ne demandaient jamais de bakchich.

"Si vous vous adressez à un tribunal régulier, le juge vous fera les poches, le greffier vous volera vos vêtements et les gardes prendront ce qu'il vous reste", explique un habitant de Qara Ghoily qui souhaite conserver l'anonymat. "Les gens préfèrent tolérer la cruauté des talibans plutôt que d'être détroussés".

Les talibans ont su exploiter ces derniers mois les défaillances du gouvernement afghan, soutenu à bout de bras par ses alliés occidentaux.

S'ils sont toujours très impopulaires dans les centres urbains, les insurgés jouissent d'un certain prestige auprès d'une population qui se sent délaissée par Kaboul.

- "Une insurrection c'est comme de la fièvre" -

Pour preuve, les talibans contrôlent aujourd'hui plus de territoire que jamais depuis la chute de leur régime en 2001. Et les opérations militaires menées par l'armée afghane avec le soutien de l'Otan, destinées à "nettoyer" les districts où les talibans sont présents, "ne font que déplacer l'insurrection, elles ne l'éradiquent pas", souligne un observateur occidental.

"Une insurrection, c'est comme avoir de la fièvre", estime Sarah Chayes, auteur de "Voleurs publics: pourquoi la corruption menace la sécurité internationale", dans lequel elle démontre comment la corruption des institutions bénéficie in fine aux talibans.

"Se concentrer uniquement sur les insurgés les plus violents permet de réduire la fièvre. Mais à moins de traiter le patient dans sa totalité, en portant une attention égale à l'amélioration de la gouvernance, la situation ne se stabilisera jamais durablement", ajoute-t-elle.

Le commandant Farooq, 49 ans, fait partie de cette myriade de milices qui secondent les forces afghanes dans leur combat contre les insurgés. Mais sans personne pour les contrôler, elles sont souvent accusées des pires exactions, ce qui pousse du même coup les populations civiles dans les bras des insurgés talibans auxquels elles demandent protection.

Mais Farooq, qui s'est battu aux côtés du commandant Massoud, se voit au contraire comme un rempart contre les talibans, faisant valoir sa réussite à Qara Ghoily, là où les forces gouvernementales n'ont pas réussi pendant cinq ans à chasser les insurgés.

Les talibans se sont enfuis en moto après avoir miné les jardins et les maisons des villageois.

Environ 60 familles du village, qui compte 2.000 habitants, se sont jointes aux talibans dans leur exode. Les villageois qui sont restés sont très méfiants vis-à-vis des forces du commandant Farooq, et ils craignent de subir la colère des talibans si jamais ils revenaient.

"Je les ai rassurés. Je leur ai dit: +Je serai à vos côtés pour les récoltes, je serai à vos côtés quand vous préparerez le repas de l'Aïd+", explique Farooq. "Nous allons rester".

Avec AFP

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