Contrairement à des capitales africaines plus modernes où prolifèrent écrans géants et panneaux électroniques, à Monrovia l'affichage publicitaire se résume pour l'essentiel à des tracts ou des posters placardés sur les murs.
"Cela me plaît d'être peint, c'est ce qui m'apporte mon pain quotidien, plutôt que de devoir voler dans la rue comme certains de mes amis", affirme Emmanuel Howard, 25 ans, qui pose ainsi pendant des séances de cinq heures pour 10 dollars américains la journée (8,70 euros).
"Notre seul problème, c'est que rester au soleil pendant des heures peut nous donner de la fièvre. C'est le seul risque", estime-t-il.
"C'est comme ça que je subviens aux besoins de mon enfant. Cela me permet de me nourrir, de m'habiller et de payer mon loyer", confie Joseph Yarkpawolo, 27 ans, une autre de ces "statues vivantes".
"La situation économique du pays est difficile. Il n'y a pas de perspectives d'emploi pour nous", ajoute-t-il.
Si ce marketing de rue existe ailleurs dans le monde, sous des formes souvent plus élaborées, au Liberia son origine remonte aux chauffeurs des foules de supporters de football dans les années 1990, peinturlurés aux couleurs bleu blanc rouge du drapeau national, inspiré de celui des Etats-Unis.
Emmanuel Ben, 26 ans, est un enfant de ces années-là. Il a fondé en 2013 une société de peinture publicitaire, Emmanuel Creation, qui loue des mannequins pour 10 dollars de l'heure. Son entreprise, florissante, compte 35 employés.
- DHL, Total et les impôts -
"DHL, Total et l'administration fiscale libérienne font partie de mes clients", précise Emmanuel Ben. "Des écoles, des particuliers et de petites entreprises font également appel à nous pour leur publicité. Je fais aussi les mariages", dit-il.
La tradition de la peinture sur le corps, pour des rituels religieux ou communautaires, existe de longue date au Liberia, comme dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, mais généralement dans un cercle plus restreint que la voie publique.
La version publicitaire de cette activité happe en tout cas l'attention des passants.
Fatumata Sanoe, 18 ans, avoue avoir du mal à détourner son regard de ces hommes-sandwiches d'un nouveau genre lorsqu'elle les aperçoit sur le chemin du lycée. "C'est vraiment attirant. Parfois, on a envie de savoir s'ils sont vraiment humains parce qu'on ne voit bouger aucune partie de leur corps", explique-t-elle.
Le patron d'Emmanuel Creation se félicite de cet impact. "En taxi, à pied dans la rue, il suffit de croiser un de mes gars pour recevoir le message", assure Emmanuel Ben. "Il est impossible de passer son chemin, on est obligé de s'arrêter un peu pour regarder."
Il compte aussi sur le bouche à oreille, démultiplié par les nouvelles technologies pour faire sa propre publicité. "Quand les gens tombent sur mes statues, ils prennent une photo", souligne-il. "Et la première chose qu'ils font ensuite, c'est de la publier sur internet..."
Avec AFP