"La grâce ne concerne que la privation de liberté. Tout ce qu'elle doit à l'Etat camerounais, elle doit payer, c'est-à-dire 1,077 milliard de francs CFA plus les dépens (soit plus de 1,6 millions d'euros)", a déclaré mardi soir à la télévision d'Etat le porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma.
Arrêtée en janvier 2010, Me Lydienne Yen Eyoum Loyse a été condamnée en septembre 2014 par le Tribunal criminel spécial (TCS, lutte anti-corruption) pour ce détournement de 1,077 md FCFA. La justice camerounaise lui reproche d'avoir gardé une partie des créances récupérées au nom de l'Etat auprès d'une filiale de la banque française Société générale, la SGBC (devenue SG Cameroun), dans un contentieux au début des années 2000.
L'avocate a toujours clamé son innocence. En avril 2015, son arrestation et sa détention avaient été jugés "arbitraires" par des experts du Haut commissariat des droits de l'Homme des Nations unies.
Mme Yen Eyoum a bénéficié d'une "remise totale" de sa peine de 25 ans de prison, après six ans et demi de détention, selon un décret présidentiel rendu public lundi soir, suivi de sa libération immédiate. Elle se trouvait mercredi à l'ambassade de France à Yaoundé. D'après son avocate parisienne, Me Caroline Wassermann, "ces biens ont été saisis sur place. Elle n'a plus le droit d'exercer".
La décision présidentielle d'une grâce sans l'amnistie "n'est pas totalement satisfaisante", selon son avocat camerounais, Me Yondo Black, cité par le journal Le jour: "Yen Eyoum n'a commis aucune infraction dans cette affaire. Je me battrai jusqu'au bout pour le démontrer."
La grâce intervient quasiment un an jour pour jour après une visite au Cameroun du président français François Hollande, qui avait "introduit une requête" auprès de son homologue Paul Biya, "sans s'immiscer dans les affaires intérieures du Cameroun", d'après le porte-parole du gouvernement.
"Tout au long de sa détention, les autorités françaises ont assuré à Mme Yen Eyoum et sa famille un soutien constant", a confirmé mardi le quai d'Orsay qui "se réjouit" de sa libération.
Cette intervention de la France froisse des Camerounais: "Ce n'est pas le droit. Ça, c'est déjà une domination, c'est une ingérence", a réagi un habitant de Yaoundé, François Ngoye, interrogé par l'AFPTV.
"La nationalité n'a jamais été et ne sera jamais un passe-droit", a répondu le porte-parole du gouvernement, alors que de nombreux ex-hauts-responsables ont été condamnés à de lourdes peines de prison dans le cadre du plan Epervier de lutte anti-corruption.
Avec AFP