La disparition d'au moins six jeunes hommes lors des vacances de Noël a dominé les débats politiques et fait les gros titres dans le pays d'Afrique de l'Est ces dernières semaines. Au moins deux d'entre eux avaient publié une image générée à l'aide de l'intelligence artificielle du président William Ruto allongé dans un cercueil.
Billy Mwangi, un étudiant de 24 ans, a été retrouvé dans la localité d'Embu, au nord-est de la capitale Nairobi, l'air "faible", a rapporté le quotidien The Daily Nation. Son père, Gerald Mwangi, a déclaré à Citizen TV qu'il allait "bien", ajoutant qu'ils lui poseraient plus tard des questions sur son calvaire en captivité. La famille de Peter Muteti a rapporté qu'il avait été retrouvé désorienté dans le quartier d'affaires de Nairobi, selon Citizen TV.
La Commission nationale kényane des droits humains (KNCHR) a enregistré 82 cas d’enlèvements depuis des manifestations antigouvernementales durement réprimées en juin-juillet. Fin 2024, 29 de ces personnes enlevées étaient toujours portées disparues, selon la KNCHR. Les groupes de défense des droits humains accusent une unité secrète issue des services de renseignement et de lutte contre le terrorisme.
La police a à plusieurs reprises nié être impliquée dans les disparitions, mais des militants ont demandé pourquoi celles-ci ne semblent pas faire l'objet d'une enquête. Une porte-parole des forces de l'ordre a affirmé que l'un des disparus s'était présenté lui-même à une station de police lundi matin et "aide les enquêteurs", et qu'un officier allait approcher les trois autres jeunes retrouvés. La police "enquête sur tous les cas de personnes disparues", a-t-elle assuré dans un communiqué.
Les manifestations de l'année dernière, lors desquelles plus de 60 personnes ont été tuées selon des ONG, ont été déclenchées par un projet d'augmentation des impôts, provoquant la pire crise depuis l'arrivée au pouvoir de M. Ruto en 2022. Le chef de l’État a reconnu fin décembre des exactions des forces de sécurité et promis de mettre fin aux enlèvements, tout en exhortant les parents à "assumer la responsabilité" de leurs enfants.
"Au plus haut niveau"
"A ce stade, il est clair que le gouvernement était au courant des enlèvements au plus haut niveau", a déclaré à l'AFP Irungu Houghton, directeur d'Amnesty International Kenya.
Il estime que les libérations de lundi ont probablement pour but de saper une procédure judiciaire engagée contre le gouvernement et la police, qui auraient notamment dû expliquer "s'il existe une politique sur les disparitions forcées". "Cela aurait été très dommageable", a-t-il ajouté.
Une manifestation prévue lundi n'a attiré que peu de participants, la réponse policière musclée ayant atténué les troubles ces derniers mois.
Pour M. Houghton, les tactiques du gouvernement sont vouées à se retourner contre lui: "Plus le gouvernement se comporte illégalement et plus il se comporte violemment, plus il suscite la colère et plus les gens ont de raisons de descendre dans la rue".
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