Elu fin 2013, Hery Rajaonarimampianina, 59 ans, devrait selon toute vraisemblance briguer un nouveau mandat.
Depuis des semaines, le président persiste toutefois à maintenir le flou sur ses intentions. Certains s'attendaient à ce qu'il dévoile enfin sa candidature lors de ses voeux pour la nouvelle année, le 5 janvier, ils en ont été pour leur frais.
"Il y aura bel et bien une élection présidentielle cette année, une élection qui sera conforme à la constitution", s'est-il contenté de dire. Avant d'ajouter, sibyllin, que la "continuité" était une des clés de "la solution du développement du pays".
L'arrivée au pouvoir de Hery Rajaonarimampianina a mis un terme aux crises politiques à répétition qui ont longtemps agité la Grande île. Mais son économie peine à s'en remettre.
Madagascar reste un des pays les plus pauvres du monde, où 90% de la population survit avec moins de 2 dollars par jour. Selon des chercheurs, c'est même le seul pays d'Afrique épargné par les guerres qui s'est appauvri depuis son indépendance.
Malgré ce bilan, les intentions du chef de l'Etat ne semblent plus faire de doute aux yeux de ses partisans.
"Pourquoi ne pas prendre soin du poussin qui est déjà né plutôt que de prendre un oeuf qui pourrait être clair", s'amuse Rivo Rakotovao. Chef du parti présidentiel HVM, le président du Sénat se prépare déjà à assurer l'intérim de M. Rajaonarimampianina.
Conformément à la Constitution, le sortant doit démissionner 60 jours avant le scrutin, programmé par la Commission électorale entre le 25 novembre et le 25 décembre.
Revenants
Si le sortant se prépare en toute discrétion, certains de ses adversaires sont déjà sortis du bois. A commencer par deux encombrants "revenants" de la vie politique locale, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina.
Le premier a été renversé en mars 2009 par un coup d'Etat militaire dirigé par le second, alors maire de la capitale Antananarivo, qui était devenu président non élu d'une transition qui ne s'est achevée qu'aux élections de 2013, avec la victoire de Hery Rajaonarimampianina.
Interdits de disputer le scrutin de 2013, les deux rivaux sont déterminés à prendre leur revanche cette année.
A 68 ans, Marc Ravalomanana a officialisé sa candidature malgré les menaces judiciaires qui pèsent sur lui.
En 2010, alors en exil en Afrique du Sud, il a été condamné par contumace à la prison perpétuité pour son rôle dans une fusillade meurtrière. Ce verdict lui interdit, en principe, de se présenter mais il a balayé cet obstacle juridique d'un revers de main.
"En politique, il ne faut pas accepter toutes les condamnations, les accusations (...) je ne me sens pas encore condamné, je n'ai pas encore reçu la notification", a-t-il plaidé la semaine dernière.
Sûr de son fait, l'ancien chef de l'Etat veut croire que le gouvernement n'osera pas lui barrer la route du scrutin.
"S'ils bloquent ma candidature, c'est à vous d'imaginer la situation", a-t-il lâché en menaçant à demi-mot de lâcher ses troupes du parti TIM (Tiako I Madagasikara - J'aime Madagascar).
'Raison au vainqueur'
Longtemps allié de M. Rajaonarimampianina, Andry Rajoelina,43 ans, veut lui aussi affronter le président sortant.
Le torchon brûle entre les deux hommes depuis le refus du président de nommer un Premier ministre issu de son parti, majoritaire au Parlement.
Après l'échec de la procédure de déchéance initiée contre son ex-ministre des Finances, M. Rajoelina avait annoncé dès janvier 2016 son intention de le défaire dans les urnes.
"Je serai candidat à la présidentielle de 2018", avait-il promis, "il appartiendra au peuple de juger et de choisir à travers des élections libres, justes et transparentes".
L'ancien maire d'Antananarivo est resté plutôt discret depuis mais son entourage assure que son objectif n'a pas changé.
Le scrutin de la fin de l'année permettra de "donner raison au vainqueur", juge l'analyste Toavina Ralambomahay.
"Si Ravalomanana gagne, c'est comme si 2009 était une erreur. Si Rajoelina gagne, c'est comme si 2009 était une réussite. Et si Rajaonarimampianina gagne, c'est son bilan qui sera jugé satisfaisant pour le peuple", explique-t-il.
Ce match à trois pourrait toutefois être remis en cause par l'offre dévoilée la semaine dernière par Marc Ravalomanana. "Si Rajoelina venait me voir et faisait un accord avec moi, je suis prêt, pas de problème", a-t-il lâché à la surprise générale.
Pris de court, le camp de son ennemi n'a toujours pas réagi.
Avec AFP