"Le gouvernement décide de lever la mesure de suspension qui frappait les partis politiques et les activités à caractère politique des associations", dit un communiqué du conseil des ministres, dominé par les militaires qui ont pris par la force en 2020 la tête de ce pays confronté au jihadisme et plongé dans une crise multidimensionnelle profonde.
Le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, avait décrété la suspension en accusant les partis de "discussions stériles" et de "subversion". Il avait invoqué le danger que les activités des partis faisaient peser sur un "dialogue" national en cours sur l'avenir politique du Mali. Les partis protestaient à ce moment-là contre le maintien des colonels à la tête du pays après l'échéance de mars 2024 à laquelle ils s'étaient engagés à céder la place à des civils après des élections.
Les principaux partis et ce qu'il reste de l'opposition avaient décidé de boycotter ce "dialogue". Le dialogue s'est tenu depuis avec la participation des soutiens du régime et a débouché en mai sur des "recommandations" préconisant le maintien au pouvoir des militaires "de deux à cinq ans" supplémentaires, ainsi que la candidature de l'actuel chef de la junte à une future élection présidentielle.
La junte a continué depuis à réprimer les voix dissonantes. Les autorités ont écroué depuis fin juin onze présidents de partis et opposants signataires d'une déclaration publiée le 31 mars par leur coalition et appelant la junte à rendre le pouvoir aux civils. Elles les accusent de "complot".
Situation "maîtrisée"
Le conseil des ministres assure qu'en suspendant les activités des partis, "le gouvernement a pu contenir toutes les menaces de troubles à l’ordre public qui planaient" sur le "dialogue". La junte avait aussi argué en avril de la poursuite du combat contre les groupes armés jihadistes et indépendantistes touareg.
Le Mali se trouve à présent dans une "phase de mise en œuvre des recommandations du dialogue dans un climat de maîtrise de la situation sécuritaire, politique et sociale", dit le conseil des ministres. Le régime militaire a déjà signalé qu'il appliquerait les "recommandations" du "dialogue". Cependant, aucun horizon n'est défini pour des élections.
Les militaires s'étaient engagés en 2022 à partir en mars 2024 après des élections, à l'issue de deux années d'une période dite de "transition". Ils ont manqué à cet engagement pris à l'époque sous la pression de la Communauté des Etats ouest-africains (Cedeao) et de sanctions rigoureuses de la part de cette organisation.
Depuis 2022, ils ont multiplié les actes de rupture. Ils ont rompu l'alliance ancienne avec la France et ses partenaires européens pour se tourner militairement et politiquement vers la Russie. Ils ont poussé vers la sortie la mission de l'ONU (Minusma) et dénoncé l'accord signé en 2015 avec les groupes indépendantistes du nord, considéré comme essentiel pour stabiliser le pays.
A la suite du Mali, des militaires se sont emparés du pouvoir chez les voisins sahéliens du Burkina Faso en 2022 et du Niger en 2023. Les trois pays en proie au jihadisme ont décidé en janvier de quitter la Cedeao et ont annoncé samedi instituer une confédération.
L'opposition malienne est réduite à l'impuissance par les mesures coercitives, les mises en cause judiciaires, les dissolutions d'organisations et la pression du discours dominant sur la nécessité de faire corps autour de la junte.
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