Les militaires au pouvoir depuis le putsch d'août 2020 et le second gouvernement transitoire installé par eux en juin à la suite d'un nouveau coup de force, ont répété jusqu'alors s'en tenir à l'échéancier de transition annoncé en avril.
Ce calendrier ambitieux prévoit un référendum constitutionnel le 31 octobre, des élections régionales et locales le 26 décembre, puis le premier tour de la présidentielle et des législatives le 27 février 2022.
La communauté internationale juge un rétablissement de l'ordre constitutionnel indispensable pour sortir de la profonde crise sécuritaire, sociale et économique dans laquelle s'enfonce depuis des années ce pays crucial pour la stabilité du Sahel.
Or, à deux mois du premier rendez-vous prévu, le référendum, la transition a déjà manqué plusieurs échéances. Aucun projet de Constitution n'a été soumis au Conseil national de transition installé par les militaires pour tenir lieu d'organe législatif. Cela aurait dû être fait en juillet, selon le calendrier rendu public en avril.
Les listes électorales aurait dû être également révisées en juillet, et auditées en août. Les autorités n'ont donné aucun signe que cela avait été fait.
Le décret convoquant le corps électoral est censé être pris le 15 septembre. Rien ne dit à ce stade s'il le sera ou non.
Faute d'avancées, les esprits paraissent se résigner à l'éventualité d'un report des élections de février, en contradiction avec les engagements initiaux des colonels, mais aussi avec les attentes constamment réitérées des principaux partenaires étrangers qui soutiennent le Mali face aux groupes jihadistes.
La mise aux arrêts le 24 mai du président de transition et son remplacement par le colonel Assimi Goïta ont déjà entamé la crédibilité des militaires auprès de la communauté internationale.
"Passage au forceps"
La classe politique et la société civile pestent contre l'immobilisme et le manque d'inclusivité de la transition.
"Pas grand-chose n'avance hormis l'organisation de grandes réunions incantatoires", résume un expert des questions électorales à Bamako.
"Ce qu'il manque à la transition, ce n'est pas du temps, c'est une volonté de passer à l'action!", a estimé Adam Dicko, membre de la société civile et organisatrice d'un Café citoyen dans la capitale.
L'ancien Premier ministre Moussa Mara, lors du même débat, a martelé qu'il "faut être pragmatique": rien ne sert de critiquer la transition qu'il qualifie lui-même de "clivante et non inclusive", il faut l'aider à "aller aux élections prévues".
"Ça reste possible si l'on décide de garder les scrutins 'secondaires' pour plus tard. La présidentielle, c'est possible!", pense-t-il. En tout état de cause, "il est temps que le gouvernement nous dise ce qu'il en est".
Pour l'heure, dans l'attente d'Assises nationales de refondation (ANR), annoncées pour les semaines à venir, la classe politique s'écharpe sur les modalités du scrutin.
Le débat porte notamment sur la création d'un organe unique pour gérer les élections, à la place d'instances diverses.
Une majorité des partis s'est élevée contre cette réforme, promise par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga lors de l'annonce fin juillet de son Plan d'action gouvernemental, dénonçant un "passage au forceps" et jugeant sa mise en place irréalisable. Beaucoup ont appelé à son abandon.
Seul consensus qui se dessine: la nécessité de publier un nouveau calendrier électoral, qui devra être "clair, précis et réaliste", selon les mots d'Ibrahim Sangho, leader de plusieurs plateformes d'observation électorale au Mali.
Des diplomates redoutent que la transition ne se prolonge inéluctablement. Ils prennent pour preuve quelques récentes manifestations sporadiques à Bamako et Nioro du Sahel (nord-ouest) demandant une "prolongation". Ces manifestations n'ont pour l'heure pas réuni la grande foule.
Pour l'enseignant-chercheur Boubacar Haidara, "se prévaloir d'un soutien populaire fort" serait pour les militaires le seul moyen de légitimer une prolongation de la transition "face à une classe politique unie et à une communauté internationale qui ne veut pas entendre parler de prolongation".
Et d'ajouter que "la lutte contre la corruption lancée il y a quelques jours", avec l'arrestation et l'incarcération de l'ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, pourrait s'inscrire dans cette logique.