"La France, dégage !", "Non à la colonisation": plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi à N'Djamena contre la présence de la France au Tchad, qu'elles accusent de soutenir la junte militaire au pouvoir, a constaté un journaliste de l'AFP.
Des manifestants ont brûlé au moins deux drapeaux de l'ancienne puissance coloniale et vandalisé plusieurs stations service Total, "symbole" de la France, arrachant des pompes et emportant certains produits exposés, selon la même source.
Cette manifestation, organisée par la plateforme d'opposition de la société civile Wakit Tamma, avait été autorisée par les autorités. Un fort dispositif policier entourait le cortège et était déployé dans la ville.
Le 20 avril 2021, l'armée annonçait que le président tchadien Idriss Déby Itno, à la tête du pays depuis 30 ans, avait été tué au front contre une énième rébellion.
Le même jour, son fils Mahamat Idriss Déby Itno, 37 ans, était proclamé par l'armée "président de transition" à la tête d'une junte composée de 15 généraux. Il promettait des "élections libres et démocratiques" après une transition de 18 mois, au terme d'un Dialogue national inclusif avec les oppositions politique et armées.
Il était aussitôt adoubé par la communauté internationale, France, Union européenne (UE) et Union africaine (UA) en tête, alors que les mêmes sanctionnent des militaires putschistes ailleurs en Afrique, notamment parce que son armée est indispensable dans la guerre contre les jihadistes au Sahel.
Lors de la marche samedi, plusieurs élèves et collégiens sur des motos ont rejoint les manifestants entonnant en choeur "La France dehors".
"Je manifeste parce que la France veut encore nous imposer le système Deby", a lancé un jeune lycéen bandeau blanc sur la tête.
"Si nous continuons à souffrir aujourd'hui depuis l'indépendance, c'est par la faute de la France qui nous empêche d'être réellement indépendants", renchérit Idriss Moussa, un enseignant arabophone.
Des manifestations organisées par "Wakit Tamma"
"Nous nous réjouissons que les Tchadiens prennent de plus en plus conscience de notre lutte et nous rejoignent" a indiqué à l'AFP Me Max Loalngar, coordinateur de Wakit Tamma. "La France installe des dictateurs sur notre tête. Nous demandons juste que notre peuple soit respecté".
Les manifestations se sont poursuivies dimanche dans les provinces du Salamat et d’Ati. Elles ont été très vite réprimées par la police. Pour Ali Al-Haji Allahou, chargé de la communication de la coalition Wakit Tama, il n’est pas question qu’une autre base militaire française soit encore créée au Tchad.
"On les renvoie ailleurs et ils veulent venir s’installer ici chez nous. Ils font comme si tout est permis dans notre pays. Ils ont trois bases qui n’apportent rien aux Tchadiens et ils veulent en créer encore cinq autres et ça fera huit?", s’interroge-t-il.
Attaque contre les symboles français
Mahamt Ahmat Assaballah, consul honoraire de France basé à Abéché, a informé VOA Afrique "que les manifestants ont tenté d’entrer au siège de Barkhane situé à l’aéroport, ils ont changé le drapeau français avec le drapeau tchadien". "Ils sont ensuite venus au consulat de France où je suis logé pour changer également le drapeau et ont enlevé la plaque qui indique le consulat de France", a-t-il décrit.
Il déplore que les manifestants aient aussi détruit un monument historique rendant hommages aux anciens combattants qui se sont morts pour la France : "Ce monument existe depuis 1941 et qui a servi de point de départ aux anciens combattants qui ont quitté Abéché au Koufra, un monument historique tant pour les français que pour les Tchadiens".
En juin 2021, le chef de l'Etat tchadien a envisagé une prolongation de la transition et annoncé le 1er mai le report du dialogue national, à la demande du Qatar, médiateur d'un "pré-dialogue" qui piétine depuis deux mois à Doha entre la junte et les innombrables groupes rebelles.
La présidence française avait réagi en se disant "attachée" à un dialogue dans les "meilleurs délais possibles", puis en proposant quelques jours plus tard l'aide de la France.
Le 6 avril, la plateforme d'opposition Wakit Tamma avait annoncé la suspension de ses pourparlers avec la junte en dénonçant notamment "une communauté internationale qui s'obstine à soutenir vaille que vaille un régime illégal et illégitime".