Le royaume d'Eswatini, dernière monarchie absolue d'Afrique, a annoncé mardi l'instauration d'un couvre-feu tandis que l'armée a été déployée pour réprimer des manifestations pro-démocratie de la jeunesse.
Les manifestations sont rares en Eswatini, un petit État enclavé d'1,3 million d'habitants autrefois connu sous le nom de Swaziland. Les partis politiques y sont interdits, mais ces dernières semaines, de violentes manifestations ont éclaté dans certaines régions de ce pays d'Afrique australe.
"Les événements de ces derniers jours ont été assez alarmants et contrariants", a déclaré le Premier ministre Themba Masuku dans un communiqué. "Nous avons été témoins de violences dans plusieurs parties du pays, perpétrées par une foule incontrôlable, avec des personnes attaquées et des biens détruits", a-t-il ajouté.
"Les forces de sécurité sont sur le terrain pour maintenir la loi et l'ordre", a-t-il poursuivi.
Le gouvernement a néanmoins invoqué la hausse des cas de contaminations par le coronavirus pour imposer un couvre-feu de 18H00 locales à 05H00 (16H00 à 03H00 GMT).
Des témoins dans les deux principales villes, Manzini et Mbabane, ont rapporté avoir vu des soldats patrouiller dans les rues, où les manifestants avaient brûlé des pneus et caillassé des voitures.
A Manzini, des employés d'un restaurant se sont retranchés dans l'établissement sans pouvoir rentrer chez eux, a raconté à l'AFP l'une des employées. "Des hélicoptères éteignent les feux allumés sur les routes", a-t-elle dit sous couvert d'anonymat, précisant que des boutiques et un magasin de meubles avaient été incendiés lundi.
Plusieurs sources ont également fait état de pillages et d'incendies à Matsapha, une zone commerciale à l'ouest de Manzini.
"Les militaires sont dans les rues", a déclaré à l'AFP Lucky Lukhele, porte-parole du réseau associatif Swaziland Solidarity Network.
"Hier (lundi), c'était la pire nuit jamais vue, un jeune homme a été abattu à bout portant par l'armée, et certains sont à l'hôpital au moment où nous parlons", a poursuivi M. Lukhele.
Selon Wandile Dludlu, secrétaire général du Front démocratique uni du Swaziland (SUDF), le roi "Mswati a lâché hier des soldats et des policiers armés sur des civils non armés".
Plus de 250 manifestants ont été blessés par balles, par des fractures et des chocs, a-t-il ajouté.
Le Premier ministre avait auparavant nié les rumeurs selon lesquelles le roi Mswati III aurait fui. Le souverain est "dans le pays et continue à gouverner", a-t-il précisé.
La semaine dernière, le gouvernement avait interdit les manifestations, et le chef de la police, William Dlamini, avait prévenu que ses hommes feraient preuve d'une "tolérance zéro".
Le Parti communiste a estimé dans un communiqué que le royaume était "à un moment crucial dans la longue lutte pour se débarrasser de la monarchie autocratique". "Les gens en ont assez", selon le texte.
Couronné en 1986 à l'âge de 18 ans, Mswati III, qui a 15 femmes et plus de 25 enfants, est décrié pour sa poigne de fer, ses frasques et son train de vie fastueux dans un pays dont les deux tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
En 2019, une série de grèves des fonctionnaires, accusant le monarque de vider les caisses du pays au détriment de ses sujets, avait déjà secoué le royaume.