Les forces de l'ordre étaient déployées en force à la mi-journée à Al-Hoceïma, dans la région frondeuse du Rif, avec une cinquantaine de fourgons de police sur la place principale et des centaines de policiers déployés sur les grands axes de la ville, selon un journaliste de l'AFP.
Prévue de longue date, cette manifestation annoncée comme la "marche du million" visait à l'origine à dénoncer la marginalisation de la région.
Mais avec l'arrestation en mai du leader du mouvement, Nasser Zefzafi, et de plus de 150 de ses partisans accusés d'"atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat", la principale revendication est devenue leur libération.
Cette "marche pacifique", prévue dans l'après-midi, vise également à protester "contre la répression" et à "maintenir le combat populaire contre le makhzen (pouvoir)", selon ses organisateurs.
Les autorités marocaines ont interdit la manifestation, prévenant que "toutes les mesures nécessaires" avaient été prises pour appliquer cette décision.
Les six partis de la majorité ont appelé dans un communiqué conjoint à ne pas prendre part à la manifestation afin de "restituer un climat de confiance et d'apaisement".
Présence remarquée dans la ville en cette période estivale: de nombreux Rifains de la diaspora établis en Europe, reconnaissables à leurs voitures immatriculées pour la plupart aux Pays bas, principal pays d'accueil de la diaspora rifaine de l'autre côté de la Méditerranée.
'Revendications légitimes'
Nombre de rassemblements ont été organisés notamment aux Pays-Bas au sein de cette communauté pour apporter un soutien au "hirak" ("la mouvance"), nom donné au mouvement de contestation.
"Je suis venue spécialement de Vancouver au Canada pour afficher mon soutien au +hirak+ et à ses revendications légitimes", a déclaré à l'AFP Ali, un chercheur en sciences politiques originaire d'Al-Hoceïma, qui s'attend à une "marche impressionnante".
En prévision du rassemblement, le Comité national de soutien au "hirak" avait annoncé qu'un convoi partirait au départ de "toutes les villes marocaines" en direction d'Al-Hoceïma, tandis que la Coordination européenne de soutien au "hirak", qui regroupe 16 comités dans plusieurs villes européennes, avait confirmé sa "participation" malgré l'interdiction.
Les personnes arrivées depuis mercredi à Al-Hoceïma sont contrôlées et interrogées par les forces de l'ordre aux entrées de la ville, selon de nombreux témoignages recueillis par le journaliste de l'AFP.
La Fédération de la gauche démocratique (FGD) et la Voie démocratique, deux petites formations de gauche, ont elles aussi appelé à participer "massivement" à la marche, de même que plusieurs associations dont l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) et Attac Maroc.
'Jour de colère'
"Jour de colère et de peur", titrait jeudi le quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum, alors que le journal Akhir Saa estimait que la mobilisation entrait désormais dans "une phase décisive".
"L'Etat sait-il que les arrestations et l'utilisation de la force contre les militants du +hirak+ ont participé à renforcer la solidarité autour de ce mouvement?", s'interrogeait pour sa part le quotidien Al Massae.
Depuis la mort fin octobre 2017 d'un vendeur de poisson, broyé accidentellement dans une benne à ordures, la province d'Al-Hoceïma a été le théâtre de nombreuses manifestations pour exiger le développement de cette région que ses habitants jugent marginalisée.
La relance par l'Etat d'un vaste plan d'investissements et de chantiers d'infrastructures n'a pas suffi à désamorcer la colère.
Le mois de mai a été marqué par un durcissement des autorités, avec l'arrestation des figures du mouvement.
Selon un dernier bilan officiel, 176 personnes ont été placées en détention préventive. Cent vingt sont actuellement jugées, dont certaines en liberté provisoire. Des peines allant jusqu'à 20 mois de prison ont été déjà prononcées en première instance.
Depuis mai, les heurts s'étaient multipliés avec les policiers qui empêchaient tout rassemblement.
Sous la pression, les manifestations ont cessé début juillet et la tension était retombée d'un cran avec le retrait des policiers de lieux publics emblématiques de la ville.
Avec AFP