Ce scénario rebat les cartes de la politique française: c'est la première fois depuis 1958 que la droite est absente du second tour, et la première fois qu'aucun des deux grands partis qui ont dominé la vie électorale depuis près d'un demi-siècle, le parti de droite Les Républicains et le Parti socialiste, n'y est présent.
"On tourne clairement aujourd'hui une page de la vie politique française", a commenté auprès de l'AFP M. Macron, ancien ministre de l'Economie âgé de 39 ans, arrivé d'une courte tête (23-24%) devant la cheffe du parti Front national, 48 ans, entre (21,6-23%), selon les premières estimations des instituts de sondage.
L'entourage de Marine Le Pen a pour sa part salué "une victoire historique pour les patriotes et les souverainistes". Reste cependant le second tour le 7 mai prochain, où tous les sondages l'ont toujours annoncée battue.
De nombreux ténors de la droite ont fait part de leur soutien au centriste, après la défaite de leur candidat François Fillon. Le Premier ministre du gouvernement socialiste, Bernard Cazeneuve, a également appelé à voter Macron.
Selon les estimations, au terme d'un match à quatre serré, le candidat de droite François Fillon (19-20,3%) et le candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon (19,5-20%) sont éliminés, au coude-à-coude pour la troisième place. Très loin derrière vient le candidat socialiste Benoît Hamon, qui n'aurait recueilli qu'entre 6,1% et 7%, revers cinglant pour le parti au pouvoir.
Participation massive
Emmanuel Macron, qui a créé l'an dernier son propre mouvement "En marche !" présenté comme "ni de droite ni de gauche" est en bonne position pour emporter le scrutin et devenir, le plus jeune président de la République de l'Histoire de France, devant Louis-Napoléon Bonaparte.
Face à lui la candidate du Front national réédite la performance de son père Jean-Marie Le Pen en 2002 en accédant au second tour, sans arriver en tête comme elle l'a longtemps espéré. Mais il ne s'agit cette fois pas d'une surprise: sa qualification au second tour était prédite par tous les sondages sans exception depuis 2013.
Lors du premier tour tenu sur fond de menace terroriste, la participation a avoisiné les 70%, un des meilleurs niveaux depuis quarante ans, selon le ministère de l'Intérieur.
Le niveau de mobilisation des 47 millions d'électeurs était l'une des clés du scrutin, alors qu'un sur quatre se disait encore indécis ces derniers jours.
Trois jours après une attaque revendiquée par le groupe jihadiste Etat islamique sur l'avenue parisienne des Champs-Elysées, qui a coûté la vie à un policier, 50.000 policiers et 7.000 militaires avaient été déployés pour assurer la sécurité du scrutin.
Visée depuis janvier 2015 par une série d'attaques jihadistes qui ont fait 239 morts, la France organisait cette présidentielle pour la première fois sous le régime de l'état d'urgence.
Le président socialiste François Hollande, affaibli par une impopularité record, ne se représentait pas après cinq ans au pouvoir et un bilan critiqué jusque dans son camp, notamment dans la lutte contre le chômage.
Pari gagné
La campagne présidentielle française a été riche en coups de théâtre et la plupart des ténors qui occupaient la scène politique depuis des années sont tombés les uns après les autres. Parmi eux, l'ex-président Nicolas Sarkozy et les anciens Premiers ministres conservateur Alain Juppé et socialiste Manuel Valls.
Les débats de fond ont été éclipsés pendant des mois par les affaires touchant notamment François Fillon, exclu sans appel du deuxième tour de la présidentielle. Il avait dévissé dans les sondages après la révélation fin janvier de soupçons d'emplois fictifs au Parlement au bénéfice de sa femme et de ses enfants, suivie de son inculpation pour détournement de fonds publics.
Emmanuel Macron, qui se présentait pour la première fois à une élection, a gagné son pari.
Inconnu des Français il y a encore trois ans, il a mené campagne sur une ligne pro-européenne et un programme libéral, tant en économie que sur les questions de société.
Ovni de la campagne, cet ancien conseiller de François Hollande puis ex-ministre de l'Economie (2014-2016) a construit la popularité de son mouvement "En Marche!", sur le rejet des partis traditionnels et le désir de renouvellement exprimés par les Français.
Marine Le Pen a semblé profiter de la vague populiste qui a porté Donald Trump à la Maison Blanche et conduit la Grande-Bretagne à voter pour la sortie de l'Union européenne.
Celle qui se définit comme une "patriote" veut en finir avec l'euro et la libre circulation dans l'espace européen de Schengen. Elle est visée par une enquête pour des soupçons d'emplois fictifs de collaborateurs de son parti au Parlement européen.
Avec AFP