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Marine Le Pen, visage de l'extrême droite banalisée


La président du Rassemblement National, Marine Le Pen, parle au congrès du parti, le 11 mars 2018.
La président du Rassemblement National, Marine Le Pen, parle au congrès du parti, le 11 mars 2018.

Elle a lissé et adouci son discours, banalisé son image, jusqu'à récuser le qualificatif d'extrême droite: Marine Le Pen, qui brigue la magistrature suprême pour la troisième fois en France, récolte les fruits d'une longue stratégie de "dédiabolisation", même si sur le fond, particulièrement sur l'immigration, son programme n'a pas changé.

A 53 ans, les chances de la benjamine des trois filles de Jean-Marie Le Pen, figure historique et sulfureuse de l'extrême droite française, qui affronte Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle, apparaissent bien plus sérieuses qu'en 2017.

Avec 23,15% des voix au premier tour, la fille améliore son score précédent (21,30% en 2017) et dépasse de loin celui de son père - près de 17% - en 2002 face à Jacques Chirac. Mais si la qualification de l'extrême droite au second tour était un séisme dans la vie politique française il y a 20 ans, elle est aujourd'hui quasiment "banale". Fruit de la stratégie patiemment menée par Marine Le Pen.

France: un nouveau duel Macron-Le Pen sous le signe de l'abstention
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Avocate de formation, elle a construit son implantation régionale dans le Nord du pays, longtemps acquis à la gauche, puis pris la présidence du parti de Jean-Marie Le Pen, le Front national, début 2011, écartant progressivement les vieux barons, et déconstruisant patiemment ce que le patriarche avait bâti à coup de harangues antisémites ou racistes, parfois condamnées en justice.

La "dédiabolisation" du FN est allée jusqu'à l'exclusion en 2015 du père, dont les propos clivaient trop pour permettre une victoire nationale. "J'ai adulé cet homme", confie-t-elle. "Je me suis beaucoup battue pour lui mais à un moment donné, cela devait s'arrêter".

Le FN à sinistre réputation devint "Rassemblement national" en 2018, et fait depuis campagne sur son prénom, Marine, préféré à son patronyme lourdement connoté.

Après son échec en 2017, et un débat électoral d'entre deux tours désastreux où son impréparation et sa fébrilité étaient apparues évidentes face à Emmanuel Macron, Mme Le Pen a patiemment remonté la pente et poli son discours.

Lors d'un nouveau duel avec Emmanuel Macron mercredi dernier, elle a cette fois beaucoup mieux résisté.

Le président-candidat français Emmanuel Macron et la candidate du Rassemblement national lors de leur débat télévisé le 20 avril 2021. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Le président-candidat français Emmanuel Macron et la candidate du Rassemblement national lors de leur débat télévisé le 20 avril 2021. (Photo Ludovic MARIN / AFP)

La "France tranquille"

Sur le fond, la "préférence nationale" est devenue la "priorité nationale", le thème du pouvoir d'achat a pris le pas sur les questions migratoires et identitaires, il n'est désormais plus officiellement question d'une sortie de la France de l'UE.

Elle a brouillé les lignes, se proclamant "meilleur bouclier" des Français juifs, rendant hommage à Charles de Gaulle que l'extrême droite haïssait, arborant République et laïcité en étendard contre "le fondamentalisme islamiste" mais jugeant l'islam "compatible avec la République".

Sur la forme, cette mère de trois enfants, deux fois divorcée, a remisé son agressivité, s'est livrée au jeu des confidences intimes télévisées, a évoqué son amour pour les chats. Elle se pose en candidate rassembleuse de la "France tranquille" face à un Emmanuel Macron président du "chaos".

D'abord inquiétée par la percée d'un autre candidat d'extrême droite, Eric Zemmour, elle a profité en fait du discours radical et outrancier de l'ancien polémiste. En ressassant ses thèmes identitaires, anti-immigration et anti-islam, Zemmour (7% au premier tour) a contribué à recentrer et modérer l'image de Mme Le Pen, qui a fait campagne sur le pouvoir d'achat, préoccupation première des Français au moment où la guerre en Ukraine fait s'envoler les prix.

Pour autant, le changement n'est que de façade, estiment nombre d'analystes. "Son programme n'a guère changé sur les fondamentaux du FN comme l'immigration et l'identité nationale, mais elle a choisi un autre vocabulaire pour le justifier", estime par exemple Cécile Alduy, spécialiste de l'extrême droite.

Rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et la candidate RN Marine Le Pen.
Rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et la candidate RN Marine Le Pen.

Accusée de complaisance avec la Russie

Sur le plan migratoire, son programme s'est même "durci" depuis 2010, pointait récemment une étude de la Fondation Jean-Jaurès.

Marine Le Pen prévoit pour 2022 d'inscrire dans la Constitution la "priorité nationale" qui privera les étrangers de plusieurs prestations. Elle veut aussi, comme Éric Zemmour, expulser les clandestins, criminels et délinquants étrangers, ceux qui sont soupçonnés de radicalisation ainsi que les étrangers sans emploi depuis plus d'un an.

Elle veut inscrire dans la Constitution la primauté du droit français sur le droit international - ce qui mettrait la France dans une position potentiellement intenable vis à vis de l'Europe -, et compte interdire le port du voile dans l'espace public, sous peine d'amende.

Au plan international, Marine Le Pen est accusée par ses adversaires de complaisance avec la Russie de Poutine même si elle a condamné l'invasion de l'Ukraine. Elle soutient l'idée d'"arrimer la Russie à l'Europe", afin que ce pays "ne parte pas dans les bras de la Chine". La candidate, qui a noué des liens personnels avec la Russie, a aussi cultivé des relations étroites avec les dirigeants dits populistes d'Europe centrale, dont Viktor Orban en Hongrie.

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